« Sans soeur Irène, je ne serais pas là... »
Renée Rousso, dont la mère et la grand-mère ont été cachées pendant l’occupation dans le couvent Sainte-marie par Soeur Irène de Jésus, est revenue sur leurs traces à Cannes. Émotion.
Derrière ses lunettes, l’émotion affleure. La voix est douce. Comme apaisée. C’est un grand jour pour Renée Rousso. « C’est bouleversant pour moi d’être ici. » À69 ans, cette ancienne professeur d’université est venue de Paris pour découvrir le lieu où sa mère Marion Petruschka et sa grand-mère Hélène ont été cachées durant deux ans pendant l’occupation. Toutes deux ont été sauvées de la déportation et de l’ignominie nazie grâce à l’humanité d’une religieuse de Sainte-marie de Chavagnes : Soeur Irène de Jésus, de la congrégation des ursulines. Jeudi, la communauté de l’institution Sainte-marie était réunie pour la bénédiction par l’évêque de Nice, Mgr André Marceau, d’un espace au nom de celle qui fut reconnue Juste parmi les Nations en 2012. Une cérémonie mémorielle émouvante en présence des communautés chrétiennes et juives de Cannes, mais aussi de la petite-nièce de la soeur bienfaitrice, Estelle Levy !
Racontée dans un livre
Pour Renée Rousso, c’est l’aboutissement de plusieurs années d’enquête pour retracer l’histoire de sa famille juive polonaise.
« Ma mère, décédée en 2008, a commencé à en parler la dernière année de sa vie… » Une histoire qu’elle a publiée en 2019 dans un livre « Une vie d’enfant cachée » aux Éditions Jourdan. Et qu’elle a raconté à trois classes de lycéens de Saintemarie. « Sans soeur Irène, je ne serais pas là. Ma mère est née en 1925 à Leipzig en Allemagne. En 1939, elle et ses parents sont expulsés d’allemagne car ils sont juifs. Leur ambition est de partir en Australie
mais ils seront bloqués en France, à Paris » . Ils se réfugient d’abord au Mayetde-montagne en zone libre. Mais à l’été 1942, le père de famille est raflé. Il ne reviendra jamais. Puis, c’est la jeune Marion, 17 ans, qui est arrêtée par les gendarmes et conduite au camp de Montluçon. Elle y simulera la folie et sera transportée à l’hôpital plutôt qu’à Drancy avant d’être récupérée par un membre de la Résistance et rejointe par sa mère. C’est un réseau de résistants qui les conduiront jusqu’au couvent Saintemarie à Cannes.
Rebaptisées
C’est l’automne 1942. Au sein de ce couvent de jeunes filles, les élèves ne savent pas qu’elles sont juives ni qu’elles sont mère et fille. Rebaptisées Marie-liliane Lombard et Mademoiselle Perrin. Les soeurs font de leur mieux pour les protéger du danger. Chacune risque sa vie. D’autant que Sainte-marie est située juste en face d’un hôtel réquisitionné par la Gestapo d’où s’échappent souvent des cris de torture. « Fin 1943, la pression est si forte que ma mère et ma grand-mère font part à Soeur Irène de leur intention de partir pour ne pas mettre la communauté en danger. Irène s’est mise devant la porte, bras ouverts et à dit : “Si vous voulez partir, vous devrez me passer sur le corps” » raconte Renée Rousso. Elles sont restées. « Elles y ont été heureuses et en sécurité. Ma grand-mère a donné des cours d’allemand et ma mère a même passé son bac en 1944 ! ». Le duo quittera Sainte-marie à l’automne 1944 dans la France désormais libérée, pour Nice, puis Paris. Sauvées du pire…