Nice-Matin (Cannes)

«Lernàlatêt­edela Région ? Je suis inquiète»

Jacqueline Franjou, l’âme du festival de Ramatuelle, ne « conçoit pas » que la liste de Thierry Mariani remporte les élections : « Pour la culture, je ne veux pas prendre ce risque ».

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

H «abituellem­ent, la seule chose qui m’inquiète, c’est la météo pendant le festival de Ramatuelle. »

Une boutade, puis un sourire. Quelques grammes d’humour dans un monde de brutes. Mais l’instant d’après, derrière les lunettes violettes, le regard de Jacqueline Franjou vire au noir.

La fondatrice du festival de théâtre de Ramatuelle ne se soucie pas que de la pluie et du beau temps. D’autres nuages, accrochés au-dessus de la région Paca, lui pèsent sur le coeur. « La possibilit­é que Mariani succède à Muselier, ça me tétanise, lâche-t-elle en secouant la tête. Est-ce que les électeurs vont vraiment laisser les clés au Rassemblem­ent national ? Est-ce que c’est ce qu’ils veulent ? » Elle s’interrompt, vide d’un trait une menthe à l’eau. « Oui, je suis inquiète. Parce que je n’entends jamais les membres de ce parti parler de culture. Il faut croire que ça ne compte pas pour eux… »

« Ce n’est pas qu’une question d’argent »

La voix devient plus grave. « Il n’y a rien de personnel dans mes propos. Je ne connais pas Thierry Mariani – et, très honnêtemen­t, je n’ai aucune envie de le connaître. C’est le RN que je vise. » Parce qu’elle anticipe une baisse des budgets alloués aux manifestat­ions culturelle­s ? « Ce n’est pas qu’une question d’argent ! Pour créer, il faut aussi un certain état d’esprit. Et une chose essentiell­e : la li-ber-té. Il ne faut pas penser à Pierre, Paul ou Jacques. Il ne faut pas se dire que telle ou telle oeuvre pourrait déplaire au pouvoir. »

Les poings se serrent. «Depuis 38 ans, à Ramatuelle, j’ai travaillé avec des élus de gauche comme de droite. Je n’ai jamais eu le moindre souci. Aucun n’a essayé d’influencer mes choix. Est-ce que ce serait la même chose avec des frontistes ? Je ne sais pas. Mais franchemen­t, je n’ai aucune envie de prendre ce risque. »

Ses lunettes glissent au bout de son nez. Elle les triture nerveuseme­nt. «Je suis franco-américaine, vous le savez. J’ai beaucoup souffert du passage de Trump à la présidence des États-unis. Je ne veux pas revivre ça, ici et maintenant. »

Nouveau silence. Lourd. Et des mots affûtés comme des lames. « Certains vont penser que je suis en service commandé pour sauver le soldat Muselier. Mais c’est faux ! De toute ma vie, personne ne m’a dicté ce que je devais dire. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. »

Sa conclusion tombe comme un couperet : «On sort d’un an de pandémie. Politiquem­ent, je ne veux pas en reprendre pour six années supplément­aires. »

 ?? (Photo Philippe Arnassan) ?? « Oui, je suis inquiète. Parce que je n’entends jamais les membres de ce parti parler de culture », martèle Jacqueline Franjou.
(Photo Philippe Arnassan) « Oui, je suis inquiète. Parce que je n’entends jamais les membres de ce parti parler de culture », martèle Jacqueline Franjou.
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