En Turquie, la démolition de l’ex-foch fait des vagues
Ancien porte-avions français qui était basé à Toulon ,le São Paulo a été vendu par le Brésil à un chantier turc de démantèlement. Mais du côté d’izmir, des voix fustigent un « navire poubelle ».
Des dizaines d’articles de presse, plusieurs manifestations, des ministres interpellés sur le sujet… En Turquie, la polémique ne cesse de grandir autour de l’arrivée prévue ce mois-ci de l’ex-porteavions Foch.
Rappelons qu’en mars dernier, la Marine brésilienne, lassée des problèmes techniques rencontrés par son « vieux » navire acheté à la France vingt ans en arrière, a finalement choisi d’envoyer le São Paulo à la casse. Elle l’a vendu à un ferrailleur, SÖK Denizcilik, dont le chantier naval de déconstruction est situé à Aliaga, près de la grande ville d’izmir.
Des matières radioactives ?
Sauf que là-bas, certaines associations écologistes (lire par ailleurs) voient le São Paulo comme un cadeau empoisonné. En cause, notamment : les 600 tonnes d’amiante et autres produits chimiques qui se trouveraient dans les entrailles de la « bête ». Et dont le mauvais traitement pourrait faire courir un risque pour l’environnement et les ouvriers du chantier.
D’autres vont encore plus loin. Cité par le journal turc Sözcü, un spécialiste des sciences et technologies de l’environnement, Enver Yaser Küçükgül assure que des matières radioactives se trouveraient à bord : « N’oublions pas que la France a utilisé ce porteavions dans le cadre de ses essais nucléaires. Vous ne pouvez pas vous débarrasser du nucléaire seulement en faisant fondre le métal contaminé… » a-t-il lancé dans les colonnes du grand quotidien.
Il y a quelques jours, le député d’opposition Murat Bakan a, lui, carrément interpellé les ministres concernés à la Grande assemblée nationale de Turquie. « Nous ne voulons pas de ces déchets dangereux qui polluent notre air, notre eau, nos sols, nos mers et menacent la santé publique », s’est-il offusqué.
Chantier approuvé par l’europe
Pourtant, si le Brésil a préféré la Turquie à l’inde pour recycler ce porte-avions lancé en 1960, c’est notamment parce que six de ses vingt-deux chantiers de démolition sont désormais « approuvés par l’union européenne ». Paquebots de croisière à bout de souffle et autres bâtiments militaires retirés du service viennent nombreux goûter aux rivages de la mer Egée pour leur ultime escale.
Au cours des 5 dernières années, d’après Ankara, 714 navires y ont ainsi été démantelés, et 74 millions de tonnes de déchets dangereux ont été éliminées. Sans que cela n’ait jamais vraiment ému les foules…
Mais là-bas comme ailleurs, la prise de conscience des problématiques environnementales grandit. Et au pays d’erdogan, la perspective d’accueillir un ancien fleuron de la Marine française, dont les 24 000 tonnes ne seraient pas que d’acier, heurte aussi le sentiment national. « La Turquie ne veut pas être le dépotoir chimique et nucléaire de l’occident » résume la députée Serpil Kemalbay.