Nice-Matin (Cannes)

Une exoplanète, c’est un ver luisant pris dans les phares d’une voiture ”

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une soeur jumelle de la Terre. L’hypothèse d’une vie extraterre­stre n’a plus rien de farfelue depuis que Michel Mayor et Didier Queloz ont détecté il y a 25 ans la toute première exoplanète. Cette découverte réalisée à deux pas finalement du Mont-gros, à l’observatoi­re de Haute-provence, a valu à cette équipe franco-suisse le prix Nobel de physique. Depuis, quatre à cinq mille exoplanète­s et autres « Jupiter chauds » (comme on les surnomme) ont été ajoutés au tableau de chasse des scientifiq­ues. Il s’agit ni plus ni moins que de planètes tournant autour d’un autre soleil que le nôtre. Si elles sont si longtemps restées discrètes, c’est que les surprendre revient à « photograph­ier un ver luisant à côté d’une voiture tous phares allumés », simplifie Philippe Stee.

Et si nous étions nousmêmes tombés du ciel…

L’observatoi­re de la Côte d’azur est en effet passé maître dans l’art des observatio­ns dites par occultatio­n. Une technique qui permet non seulement d’identifier ces exoplanète­s mais aussi de déterminer le rapport entre leur taille et celle de leur étoile mère. Informatio­n capitale. « On va pouvoir en déduire leur masse, leur volume et donc leur densité, explique le chercheur azuréen. Autrement dit, si elles sont tellurique­s comme la Terre, ou gazeuses comme Jupiter par exemple. » Car cela fait une énorme différence pour les astronomes, qui estiment que la vie a plus de chance de se développer sur un sol dur. À condition que les briques essentiell­es à son développem­ent soient présentes. Or, en étudiant le spectre lumineux émis par ces corps célestes, les chercheurs sont également capables de dire quels éléments chimiques les composent. « On serait à même de détecter la présence de chlorophyl­le sur une exoplanète et donc d’en déduire que des végétaux recouvrent sa surface », assure le Pr Stee.

Découvrir une planète « verte », à défaut de petits hommes verts, ne relève plus vraiment de la sciencefic­tion. « Il n’est pas impossible que nous finissions par identifier une réplique de notre système solaire. On saura alors si ce qui s’est passé sur Terre relève d’un incroyable coup de bol ou si, comme l’ont démontré nos collègues chimistes, faire émerger de la vie à partir de quelques éléments de base est un processus finalement assez facile. »

Des briques élémentair­es qui, sous l’effet des rayonnemen­ts, peuvent donner naissance à des acides aminés, ceux-là mêmes qui composent notre ADN. Or, ces molécules de base pourraient avoir en fait une origine extraterre­stre et être arrivées sur notre planète au gré d’une pluie de météorites. Les scientifiq­ues se demandent même si l’eau qui a permis le miracle de la vie ne provient pas d’une comète !

Là encore, pour s’en assurer, il va falloir investigue­r. Et une nouvelle fois, ce sont des scientifiq­ues de l’observatoi­re qui vont enfiler le costume de détective de l’espace. Les équipes du Pr Patrick Michel ont été choisies pour analyser, à leur retour sur Terre, les échantillo­ns qui ont été collectés dans le cadre de deux missions spatiales Osiris-rex et Hayabusa2. L’équation de Drake, qui définit la probabilit­é de rencontrer une civilisati­on extraterre­stre, serait-elle sur le point d’être résolue ? On en est encore loin.

Mais les dernières découverte­s sur l’univers, auxquelles ont largement contribué les laboratoir­es de recherche azuréens, ouvrent désormais le champ des possibles. Le satellite Gaïa, un autre programme auquel est aussi associé l’observatoi­re de Nice, vient d’identifier la bagatelle d’un milliard d’étoiles ! Autant de soleils autour desquels tournent sans doute des exoplanète­s. Des « Jupiter chauds », mais aussi des « super-terre » que l’on parvient à identifier petit à petit… Et surtout à caractéris­er. Pour connaître leur compositio­n chimique ainsi que leur position relative afin de savoir si elles sont dans ce que les astronomes appellent la « zone d’habitabili­té ». Ni trop près, ni trop loin de leur étoile-mère, afin que les conditions d’émergence de la vie soient suffisamme­nt propices.

Simple comme un coup de téléphone-laser

Peut-être qu’un jour prochain, des scientifiq­ues auront la chance de faire cette rencontre d’un autre type. Qui sait, ce rendez-vous à distance avec une planète habitée se fera peut-être depuis le Montgros, sur les hauteurs de Nice.

« Se posera alors un autre problème, sourit le Pr Philippe Stee. Même si une telle civilisati­on extraterre­stre venait à être découverte, cela restera compliqué de communique­r avec elle. La première étoile se trouve à 4,2 années-lumière (plus de 39 000 milliards de kilomètres), rappelle-t-il. Si on envoyait un message, il mettrait plus de 3 ans à leur parvenir et il faudrait autant de temps pour recevoir une réponse. »

Mais là encore, L’UMR Lagrange y travaille. Depuis le plateau de Caussols, à Calern précisémen­t, cette fois, où un chercheur a installé ses drôles de machines capables de prédire les perturbati­ons atmosphéri­ques. « Son travail intéresse beaucoup les astronomes car une nuit d’observatio­n sur un super télescope coûte tout de même plus de 100 000 euros. Alors autant regarder le ciel lorsque les conditions sont optimales. »

Mais les militaires, eux aussi, ont vite saisi l’intérêt des recherches du Pr Aziz Ziad. Notamment pour substituer un faisceau laser aux traditionn­elles transmissi­ons par ondes radio qui peuvent être intercepté­es par des oreilles ennemies. Avec l’avantage de transmettr­e dix fois plus de données en dix fois moins de temps.

De quoi faire briller également les yeux des opérateurs de téléphonie : « Imaginez la fibre optique sans fibre à dérouler », résume Philippe Stee. Ce sera peut-être notre futur. Sauf qu’à l’observatoi­re de la Côte d’azur, il existe déjà.

Imaginez la fibre optique sans la fibre à dérouler ”

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