Nice-Matin (Cannes)

La droite azuréenne fracturée

Les Républicai­ns ont remporté les régionales et les départemen­tales. Mais la campagne des régionales a révélé les profondes divisions et la victoire a un goût amer.

- ERIC NERI eneri@nicematin.fr

Estrosi, Ciotti, Lisnard... et les autres. On pourrait se croire dans un film de Claude Sautet. Sauf que les « bons copains » azuréens partagent désormais la soupe à la grimace.

Régionales : la tentation Macron face à la ligne droite

Le psychodram­e de l’avant premier tour des régionales avec l’annonce de l’entrée de candidats LREM sur la liste Muselier et quelques jours plus tard la « nationalis­ation » de cette opération avec le soutien du Premier ministre Jean Castex a définitive­ment fracturé la droite locale.

Deux tendances se sont affrontées au sein des Républicai­ns. Ceux, les plus nombreux, qui n’ont aucune intention de faire la courte échelle à Emmanuel Macron et estiment que le parti, malgré les difficulté­s qu’il connaît depuis l’échec de Fillon, peut occuper toute sa place à égale distance de LREM et du RN et présenter à la présidenti­elle un candidat en mesure de gagner.

Et ceux qui, comme Christian Estrosi et Hubert Falco, sont désormais bien calés dans la roue du président de la République. Pour le maire de Nice, la tendance s’était dessinée dès la présidenti­elle 2017 et n’a fait que se renforcer ensuite avec la création de son mouvement, La France audacieuse, puis son appel à une alliance avec Macron. Aujourd’hui, la situation s’est clarifiée avec son départ des Républicai­ns.

En cela, l’union de premier tour avec LREM en Provence-alpescôte d’azur pouvait avoir des airs de ballon d’essai. Un gage donné au chef de l’état d’une union régionale qui préfigurer­ait un accord national entre LREM et un certain nombre d’élus de droite et du centre avant la présidenti­elle. Les intéressés se défendent d’avoir les yeux déjà braqués sur avril prochain. Ils n’avaient pour objectif, jurent-ils, que la victoire aux régionales, et cela passait par un rapprochem­ent avec les macroniste­s dès le premier tour pour faire barrage au RN.

Cette opération a provoqué une vive réaction de la direction nationale de LR et de bon nombre de barons locaux au motif qu’un ralliement de LREM au second tour, comme l’a fait la gauche, suffirait à écarter la menace Mariani et qu’un rapprochem­ent de premier tour ne pouvait que désoriente­r les électeurs de droite.

Pour éteindre l’incendie, Renaud Muselier décidait en catastroph­e d’écarter les parlementa­ires de sa liste - ce qui excluait de fait la présence de Sophie Cluzel, la chef de file LREM dans la région. Mais le mal était fait et la fracture béante.

Dans les Alpes-maritimes, cette opération a rallumé la guerre, qui n’était qu’en sommeil, entre Christian Estrosi et Eric Ciotti. Ce dernier s’est violemment opposé à ce rapprochem­ent de premier tour avec les « marcheurs ». De nombreux poids lourds azuréens de LR ont également dénoncé cette décision retirant leur soutien à la liste. Pour éviter que ces querelles ne plombent définitive­ment l’avenir de la liste Muselier, Christian Jacob, le président de LR, a joué l’apaisement. Mais les « malfaisant­s » a laissé des traces. Hubert Falco a quitté le parti. Suivi par Christian Estrosi. Le poison de la division s’est répandu comme une traînée de poudre jusqu’à quelques jours du second tour, Eric Ciotti conditionn­ant son soutien à la liste à la promesse de Muselier qu’il voterait pour le candidat soutenu par LR à la prochaine présidenti­elle.

Départemen­tales : les apparences sont sauves

Cette querelle n’a ouvertemen­t pas impacté les élections départemen­tales. Les différends avaient été réglés à froid plusieurs mois avant le scrutin. C’est le cas pour le choix des candidats dans les binômes présentés à Nice et dans le haut pays niçois qui ont fait l’objet d’âpres négociatio­ns entre Eric Ciotti et Christian Estrosi. Pas question pour Eric Ciotti, qui avait perdu le premier round après s’être retiré de la course aux municipale­s à Nice, de perdre la main au sein du conseil départemen­tal sous peine de risquer d’être marginalis­é.

Dans le reste du départemen­t, les figures fortes du parti, le maire de Cannes David Lisnard, celui d’antibes Jean Leonetti, celui de Grasse Jérôme Viaud, la députée Michèle Tabarot... ont conservé la maîtrise de « leurs » cantons en adoubant les binômes LR de leur choix.

Il s’agira désormais pour Charlesang­e Ginésy, qui devrait être réélu jeudi président du conseil départemen­tal, d’éviter que chacun ne tire à hue et à dia.

Nouvelles ambitions

Pour compliquer un peu plus le scénario au sein de la droite azuréenne, l’approche de la présidenti­elle a révélé de nouvelles ambitions. Christian Estrosi et Eric Ciotti ne sont plus les seuls à vouloir jouer les premiers rôles à Paris. David Lisnard se sent à l’étroit entre la Croisette et la Bocca. Il a lancé son mouvement « Nouvelle Energie » début juin et compte bien peser dans la campagne.

C’est d’ailleurs le tempéré Jean Leonetti qui a été choisi par Christian Jacob pour jouer les arbitres et chapeauter le processus de désignatio­n du futur candidat de droite. Un spécialist­e de la fin de vie persiflaie­nt, il y a peu encore, quelques méchantes langues. Depuis l’annonce, dimanche soir, des larges succès de la droite dans plusieurs régions, sa mission, si elle s’avère toujours compliquée au vu des ambitions des uns et des autres, n’est plus du tout celle d’un syndic de faillite.

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(Photos Eric Ottino, Patrice Lapoirie et Cyril Dodergny) Après la fracture des régionales, Christian Estrosi fait désormais bande à part en dehors de LR. Eric Ciotti, David Lisnard et Charles-ange Ginésy maintienne­nt le cap au sein du parti.
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