Nice-Matin (Cannes)

Bio express

- - :  : RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

Qui est donc Renaud Muselier, le Marseillai­s, qui a gagné sa légitimité à la présidence de la Région, au second tour des régionales, dimanche ? Jusqu’à ce jour, il était le successeur de Christian Estrosi, qui en avait démissionn­é deux ans après les élections de 2015.

Renaud Muselier est très discret sur sa vie personnell­e, lâchant seulement, de temps en temps, qu’il est père de quatre enfants. Ou que sa mère est la demi-soeur de Géraldine d’albanie, devenue reine après avoir épousé le roi Zog I des Albanais.

Mais il ne précise pas que la famille a perdu son trône en 1939, un an après le mariage, quand les fascistes italiens envahisseu­rs la forcent à se réfugier dans d’autres pays avant de trouver asile sur la Côte d’azur. Pudeur, blessure à oublier. Renaud Muselier très occupé hier, à préparer son « intronisat­ion » vendredi, à la présidence du conseil régional, n’en dit pas plus.

« Un pacte familial contre l’extrême droite »

Il évoque plus facilement son grand-père, Émile Muselier, viceamiral des Forces françaises libres, qui « a installé la croix de Lorraine sur la France Libre, pour la différenci­er de la France occupée ». Et Maurice, son père, pharmacien, déporté à Dachau pour faits de résistance. Ou encore sa mère, ellemême résistante, aujourd’hui âgée de 92 ans. Il en parlait, pas plus tard que le 22 juin, lors d’un meeting de campagne à Toulon « sous son contrôle ».

« On a ça dans nos gènes, la liberté, la liberté de penser, la liberté de vivre. » Mais s’il fait ce trait d’union entre passé et présent, c’est pour servir Les Républicai­ns, la politique, son élection à la Région. L’air de rien, Renaud Muselier ne perd pas de temps à faire semblant, à se perdre dans des actions, des paroles qui ne servent à rien. Même une poignée de main doit avoir un sens. « On a un pacte familial, c’est de faire en sorte que l’extrême droite ou le RN ne puisse jamais prendre le pouvoir. »

Ce passé explique le gaullisme acharné et convaincu, dont il se drape comme d’une vertu, dont il fait sa dignité d’homme politique, quand on l’agresse. Ça l’aide à rester droit dans ses bottes. Comme lors de la constituti­on de sa liste, quand il résiste aux injonction­s de son parti LR, qui le menace d’exclusion, parce qu’il a intégré des gens de LREM sur sa liste.

Étudiant, il lançait des cocktails molotov

Ce gaullisme l’amène à 26 ans, en 1985, à la fédération marseillai­se du RPR. Alain Savary, alors ministre de l’éducation nationale de François Mitterrand, l’a bien aidé, en lançant sa réforme. Renaud Muselier est alors en fac de médecine. Il est de ceux qui mènent les manifestat­ions, lancent des cocktails molotov. La réforme sera finalement votée. Contacté hier, Renaud Muselier affirme encore aujourd’hui « qu’il comprend très bien les manifs violentes pour y avoir participé. Mais que c’est très difficile quand cela devient violent et compliqué,  : naissance à Marseille.

double vice-champion de France de karaté contact. champion universita­ire de rugby.

 : élu conseiller général face au seul élu Front national de France. - : vice-président de l’olympique de Marseille.

 : il loupe la présidence de la communauté urbaine Marseillep­rovence-métropole qu’occupe Jean-claude Gaudin.

C’est un socialiste qui l’emporte.

 : remporte les régionales face au RN. de trouver une sortie positive. » Ceinture noire 2e dan de karaté, vice-champion de France de karaté contact en 1982 et 1983, et champion de France universita­ire de rugby en 1984, il a appris à se battre mais aussi à se maîtriser. Son combat deviendra donc politique. Pourtant, son père lui avait demandé de ne jamais en faire. Il lui a désobéi sans remords, mais a respecté le pacte familial : en 1992, il est élu conseiller général – aujourd’hui on dit conseiller départemen­tal – face au seul élu Front national de France, Jean Roussel, dans le deuxième canton de Marseille. C’est le premier mandat de Renaud Muselier qui se qualifie lui-même de « bébé Chirac ».

La revanche

Tandis que ses amis de lycée et de fac, auxquels il reste fidèle, continuent de le surnommer « Muso », lui intègre peu à peu les instances de sa famille politique, jusqu’à compter parmi les membres fondateurs de L’UMP, puis des Républicai­ns. Il sera deux fois député des Bouches-du-rhône, la dernière de 2007 à 2012 ; secrétaire d’état aux affaires étrangères sous Jacques Chirac de 2002 à 2005. Et député européen de 2014 à 2019. En même temps, il gère ses deux cliniques dans la cité phocéenne. Et entre-temps, il est devenu de 1995 à 1997, vice-président de l’olympique de Marseille.

Et Marseille alors ? Sa ville. Celle où il est né en 1959, qu’il n’a jamais quittée et dont il vante la beauté. Jean-claude Gaudin, ficelé à son siège de maire, n’a jamais voulu en faire son dauphin, même s’il l’a laissé espérer. Et quand Renaud Muselier remporte les 4e et 5e arrondisse­ments de Marseille contre le socialiste Jean-noël Guérini, en 2008, une voie royale s’ouvre à lui, pour prendre la tête de la Communauté urbaine Marseillep­rovence-métropole, devenue depuis Métropole Aixprovenc­e-marseille. Et prendre la place de Jeanclaude Gaudin.

Tout s’effondre à deux voix près. Deux voix qui l’ont trahi, dit-il encore aujourd’hui sur un ton froid, comme si cela méritait encore une revanche. C’est le socialiste Eugène Caselli, proche de Jean-noël Guérini, qui l’emporte. Renaud Muselier, en a fait un livre dans lequel il décrit le système Guérini qui « a mis Marseille dans cet état ». Les Guérini qui ont été jugés et condamnés il y a peu. Voilà qui correspond à ce que dit de lui Christian Estrosi, tête de liste des Alpes-maritimes aux régionales : « Renaud est un homme loyal. Mais il ne faut pas le tromper. Il laisse trop parler ouvertemen­t son coeur. C’est son côté marseillai­s. Quand il a quelque chose sur le coeur, il le dit. » Dans un livre, s’il le faut ! «Il est soucieux du bien-être des gens, attentif à leur détresse », confie encore le maire de Nice. Aujourd’hui, Renaud Muselier n’a plus envie de la mairie, ni de la

Métropole Aix-provence-marseille. Du moins, c’est ce qu’il dit. Les temps ont changé, la Région a pris du pouvoir. Quelque part, ils ont tous besoin de lui. C’est un peu sa revanche.

Sa personnali­té

« Il est travailleu­r, humaniste mais aussi pugnace », dit de lui le maire de Toulon, Hubert Falco. Un défaut peut-être ? « Il se met en colère parfois, mais est-ce un défaut ou une qualité des gens du Sud ? » Jeanpierre Colin, déjà conseiller régional sous le mandat précédent, voit en lui « un homme politique d’une grande fidélité. Cela le met parfois en porte-à-faux. Mais quand il a donné sa parole, il la tient. Il est pugnace, il l’a montré pendant la crise de la Covid. »

Cette pugnacité, le RN ne la voit pas comme cela. « Je suis déçu par l’homme, affirme le candidat varois, déchu aux régionales, Frédéric Boccaletti. Il a mené une campagne de coups bas. » Même topo du côté de Philippe Vardon, également partant sur la liste RN mais dans les Alpes-maritimes : « J’ai connu deux Renaud Muselier : le président de la Région qui se comportait correcteme­nt. Et celui en campagne qui a été agressif et grossier envers les élus RN. »

François de Canson, un proche de Renaud Muselier, à ses côtés dimanche soir au moment de la victoire, tête de liste LR dans le Var, l’a surnommé «capitaine courage » car « tout au long de la campagne, il n’a pas flanché. C’est quelqu’un de courageux, qui aime les gens, très attentif, sensible ». Ce qui ne l’empêche pas de se mettre en colère. « Mais ça fait avancer ! » Quant à Jean-laurent Félizia, candidat du Rassemblem­ent écologique et social, qui s’est désisté en sa faveur : « J’attends de le connaître mieux, dès lors qu’il aura mis à exécution les promesses faites entre les deux tours. »

« Vous savez, c’était difficile de porter le nom de Muselier, car mon grand-père ne s’entendait pas avec De Gaulle. C’était quelqu’un d’exceptionn­el. Et mon père disait : “C’est difficile de pousser à l’ombre des grands arbres”. » Hier, Renaud Muselier évoquait encore cette discussion, l’air de se demander où il en était. « Maintenant, je suis un vieux bébé Chirac. » Mais une fois de plus, il a gagné face à l’extrême droite.

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Mon grand-père ne s’entendait pas avec De Gaulle. ”

 ?? (Photo Laurent Martinat) ?? Dimanche, Renaud Muselier a une nouvelle fois respecté « le pacte familial contre l’extrême droite » en remportant les élections régionales.
(Photo Laurent Martinat) Dimanche, Renaud Muselier a une nouvelle fois respecté « le pacte familial contre l’extrême droite » en remportant les élections régionales.

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