Les freins de son camion lâchent alors qu’il déchargeait
« C’est la première fois qu’on te voit. » À l’audience, hier, au tribunal correctionnel de Toulon, une mère a pris la parole et parlé à l’homme responsable de l’accident qui a endeuillé sa famille.
C’était une nuit d’octobre, sur la départementale 14. À un petit kilomètre du village de Collobrières. La vie d’une famille s’est disloquée, quand une voiture s’est fracassée contre un platane. Une nuit de 2016. La mère de Mathias se tient droite, devant le tribunal de Toulon, à ce moment précis de l’audience correctionnelle où les victimes sont invitées à prendre la parole. Ses cheveux ondulent sur son dos, mais c’est tout son corps qui est traversé d’un tremblement. Elle déplie un papier et commence à lire. « C’est la première fois que nous te voyons. Nous désirons porter à ta connaissance les conséquences indicibles de cet accident. »
« Mort de chagrin »
Celui à qui elle s’adresse est assis sur le côté. Romain, âgé d’une petite vingtaine d’années. Immense carrure immobile. Un ami de la victime, qui n’avait « pas eu l’occasion de présenter des excuses à la famille », depuis tout ce temps. Alors, si le corps tremble, la voix ne tremble pas. La mère dit combien l’accident a emporté «laviedemathias et une partie de [leur] vie. Grands-parents, oncle, tante, cousins… Plus personne ne vit comme avant. » L’arrière-grand-père du jeune homme est « mort de chagrin ». Aucun instant n’y échappe. « Il nous manque quelque chose. L’accident nous empêche de nous réunir comme une famille normale. Le chagrin est tapi dans l’ombre. Noël… Je n’en ai plus fêté un seul. »
« Sans haine et sans colère »
Cette mère privée de son fils – « tout cela est irréversible » – renvoie le conducteur «àsa propre famille. Tu as le devoir de protéger les tiens, par des décisions et des actes exemplaires ». Avocat des parties civiles, Me Philippe Soler souligne que « le papa et la maman sont venus sans haine et sans colère. Ils demandent justice et pas vengeance. La lumière de l’existence s’est éteinte pour cette famille. Et lui, a-t-il fait son examen de conscience ? » Le prévenu pleure silencieusement. Au moment de l’accident, il ne roulait pas trop vite, mais avec trop d’alcool dans le sang, 1,92 gr par litre. Au procès, ses premières paroles furent des excuses à la famille, d’une voix à peine audible. Il a parlé de « revenir en arrière ».
24 mois de prison dont 18 avec sursis probatoire
Son avocate, Me Anouk Delpuget, a beau rappeler que la bande d’amis avait « prévu de dormir sur place, dans la voiture ».
Mais, « une bagarre générale entre jeunes de Gonfaron et jeunes de Collobrières » a changé leur destin. Ils se sont fait frapper. « Ils ont pris la fuite et leur premier réflexe a été de courir aux voitures. »
Fin des plaidoiries. Entre deux mondes, l’abîme a continué de se creuser. Face à l’anéantissement, la culpabilité est effrontément vivante.
Le conducteur a été condamné à une peine aménageable, 24 mois de prison dont 18 avec sursis probatoire. Le procureur a « rendu hommage à Madame. Perdre un enfant n’est pas dans l’ordre des choses ».