Cette Niçoise n’a pas attendu la loi PMA pour faire un enfant
Sandrine B. a suivi les conseils de son médecin quand elle a voulu se lancer dans un parcours de procréation médicalement assistée en 2014 : elle s’est rendue au Danemark et en Espagne.
Sandrine B. l’assure, elle n’avait jamais pensé avoir un jour un enfant. Cette femme indépendante de 42 ans, directrice dans un cabinet de formation, a parcouru le monde pour le travail (Suisse, États-unis, Paris…) avant de revenir se poser à Nice en 2021. Pourtant, Louis, né le 14 janvier 2020, est bien là, épanoui et adoré par sa mère et ses grands-parents.
« Ce fut comme un déclic, une épiphanie », partage-t-elle, souriante. « J’étais en train de regarder la télé, fin 2014, un programme qui n’avait absolument rien à voir avec la maternité, et j’ai entendu une petite voix qui me disait : “tu vas faire un enfant seule”. Malgré les nombreuses difficultés, ça ne m’a jamais lâchée. »
Habitant Paris à l’époque, son parcours de procréation médicalement assistée (PMA) l’a d’abord menée au Danemark, puis en Espagne, où elle tentera à de multiples reprises de tomber enceinte grâce à des inséminations artificielles. Sandrine décide également de congeler ses ovocytes, dans l’optique d’avoir un second enfant plus tard.
Hypocrisie française et illégalité
« Au moment où j’ai débuté mes démarches, il n’était pas encore question que la PMA soit légalisée en France. Toutefois, je me rappelle très bien avoir demandé à mon gynécologue, en 2018, alors que je n’étais toujours pas enceinte à cause de gros problèmes de fertilité, si cela valait le coup d’attendre la loi ; il m’a clairement dit non. »
De fait, la réalité de la procréation médicalement assistée, aujourd’hui en France, est avant tout l’histoire d’une hypocrisie. En effet, si seuls les couples hétérosexuels y ont accès, « une fois que vous êtes enceinte grâce à un don de sperme à l’étranger, vous redevenez “normale” aux yeux de l’ensemble du corps médical qui vous suit, que ce soit pour les prises de sang, les examens, le gynéco… Plus personne ne vous demande comment vous avez conçu votre bébé », rit-elle. Une absurdité que le projet de loi adopté définitivement hier par le Parlement (lire en page France) vient réparer.
L’horloge biologique n’attend pas la loi
Dans les faits, les refus de soins pour cause morale existent, mais ils sont plutôt rares. « On a failli me refuser une fois, dans une clinique gérée par des soeurs du XVE arrondissement de Paris, mais c’était lié au fait que j’étais une mère célibataire, pas à la PMA. » Pour le docteur François Olivennes, gynécologue obstétricien parisien qui suivait Sandrine à l’époque où elle s’est lancée dans son aventure de maternité, le soutien à ces femmes est surtout une affaire de volonté politique. «Ila toujours été pro-pma pour toutes », affirme-t-elle. « Toutes », ce sont les femmes seules et/ou les lesbiennes, jusqu’à hier écartées du droit. Cependant, les membres du corps médical se mettaient dans l’illégalité en acceptant d’accompagner la grossesse et l’accouchement de femmes dont ils savaient par quels moyens elles avaient conçu. « À partir du moment où tu dis la vérité et que le professionnel de santé utilise la Sécu, il ou elle prend des risques. »
Les femmes se donnaient donc sous le manteau les adresses de médecins bienveillants à travers le pays, en se retrouvant notamment dans des groupes Facebook privés où sont partagés contacts et bons conseils. « Telle est la réalité de la PMA actuellement en France », s’insurge Sandrine, qui regrette d’avoir eu à en passer par une certaine « clandestinité », dans une France à deux vitesses. À noter que ces groupes Facebook dédiés rassemblent des couples de femmes homosexuelles (ou bisexuelles) et des femmes seules. Célibataire, Sandrine B. se définit, elle, comme «bisexuelle ».
Ce qui est trop souvent occulté lorsqu’on évoque les atermoiements des gouvernements successifs au sujet des décisions sur la bioéthique, c’est que, pendant ce temps, l’horloge biologique des femmes continue sa course.
« Un couple hétérosexuel peut concevoir un enfant en quelques minutes, sans se soucier des conséquences, rappelle la mère de famille. Si vous voulez un enfant plus que tout au monde et que vous vous rendez compte que cela va prendre des années, bien sûr que vous foncez là où c’est possible ».
euros pour tomber enceinte
« J’avais 36 ans lorsque j’ai commencé mon parcours de PMA, je ne pouvais pas me permettre d’attendre. Mais il est évident que je l’aurais fait en France si j’en avais eu le droit. Prendre l’avion le matin vers l’espagne, pour la journée, afin de recevoir le sperme d’un donneur et repartir le soir même, n’est pas la solution la plus aisée. »
Ni la plus économique : 67 000 euros au total pour Sandrine, en comptant les inséminations, les fécondations in vitro et les vols.
Concrètement, en Espagne, où le don est anonyme, les techniciens médicaux ont pour objectif des critères simples : que l’enfant à venir ressemble le plus à sa maman. « Ils ont choisi des caractères phénotypiques qui se rapprochent le plus des miens, à savoir des cheveux châtain clair, des yeux bleus, et quelqu’un d’un peu plus grand que moi », afin de coller aux habitudes anthropologiques des couples, où l’homme est souvent plus grand que la femme. Au Danemark, où Sandrine a d’abord tenté plusieurs fois de tomber enceinte (mais a connu plusieurs échecs, fausses couches incluses), la méthode ressemble davantage à un « catalogue » sur lequel on choisit des critères précis. Par une sorte de « contrepartie », le don n’est pas anonyme, et l’enfant, une fois adulte, peut décider de rencontrer son géniteur.
Aujourd’hui, il ne lui reste plus que deux ovocytes, qui attendent patiemment dans une clinique de Valence, en Espagne, pour l’aider à tomber enceinte une ultime fois. À 42 ans, Sandrine B. estime ainsi que c’est sa dernière chance de donner un petit frère ou une petite soeur à Louis.
« J’ai clairement eu un parcours de PMA très difficile, qui ne m’a pas personnellement affectée à cause du fait qu’il se déroulait à l’étranger, mais psychologiquement à cause de ma fertilité, donc je suis prête à arrêter si ça ne marche pas cette fois-ci. Je considère déjà mon fils comme un petit miracle », conclut-elle.
« Je suis plus famille que jamais »
Quant au choix de revenir à Nice parmi les siens en début d’année, elle estime que la maternité l’a rendue « plus famille que jamais », elle qui a parcouru le monde pendant plus de 20 ans. «Je voulais une meilleure qualité de vie, une cité plus accessible, et que mes parents puissent profiter de leur petit-fils. Je suis agréablement surprise depuis mon retour dans ma ville natale. »
Elle et son jeune enfant se sont installés dans un joli trois-pièces de la Libération, un nom de quartier tout trouvé pour ces deux âmes qui ont mis si longtemps à se rencontrer. Louis, en vadrouille au parc avec mamie quand on a rencontré Sandrine chez elle, s’est très bien adapté à sa nouvelle vie niçoise. Tant qu’il y a de l’amour et des jeux…