Les dinosaures victimes d’un coup de froid ?
Bien avant la chute de l’astéroïde qui mit fin à leur règne il y a 65 millions d’années, les dinosaures étaient déjà sur le déclin.
Depuis la découverte du gigantesque cratère d’impact en 1980 au Mexique, la responsabilité de l’objet extraterrestre dans la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années fait consensus au sein de la communauté scientifique. Mais les paléontologues se disputent pour savoir si cette extinction de masse est arrivée brutalement, ou si la météorite n’a fait que porter le coup de grâce à un groupe déjà en difficulté. En effet, les données ne sont pas assez robustes pour valider une hypothèse plutôt qu’une autre : « Le registre fossile [les os de dinosaures, ndlr] est incomplet, en mauvais état de conservation, certaines zones géographiques comme les tropiques sont mal représentées, des périodes de temps sont mieux renseignées que d’autres...», explique le biologiste Fabien Condamine, auteur de l’étude publiée, hier, dans Nature Communications.
1 600 fossiles sélectionnés
Pour corriger ces biais, le chercheur du CNRS à l’institut des sciences de l’évolution de Montpellier a fait appel à une nouvelle méthode de modélisation statistique, dite bayésienne, qui calcule les probabilités des causes à partir d’observation d’éléments connus. Ils ont sélectionné 1 600 fossiles appartenant à six familles de dinosaures, dont les emblématiques tyrannosaures [ci-dessous], tricératops et hadrosaures, popularisés par le film Jurassic Park : trois familles d’herbivores, trois de carnivores, riches de 247 espèces.
Grâce à leur modèle, les chercheurs ont pu estimer un âge d’apparition et d’extinction pour chacune des espèces, sur une période allant de 145 millions d’années, à la fin du Crétacé, à 66 millions d’années, peu avant la catastrophe. Résultat : «On constate un pic de diversité avant 76 millions d’années, avec un taux élevé de création de nouvelles espèces. Puis, un lent déclin », détaille le chercheur. Ainsi, sur une période colossale de 10 millions d’années – bien plus longue que le règne du genre Homo –, le nombre d’espèces de dinosaures diminue, passant d’une cinquantaine à moins de vingt il y a 66 millions d’années.
Les chercheurs ont confronté ces statistiques à des données environnementales (climatiques, marines, géologiques...) déjà connues et incontestées. Les résultats ont montré une corrélation parfaite avec les courbes climatiques. Ce gros refroidissement, qui a fait perdre 7 à 8° C à la Terre, s’amorce « pile poil » en même temps que celui du déclin des dinosaures. Or ces géants ne sont pas capables de produire leur propre chaleur corporelle, comme le font les humains. Ils dépendaient fortement de leur environnement pour se nourrir, se déplacer, se reproduire... Leur métabolisme n’aurait donc pas su s’adapter.
Ecosystème déséquilibré
Autre variable clé : les premières disparitions ont d’abord touché les herbivores, environ deux millions d’années avant les carnivores. La raréfaction des herbivores, proies des carnivores, aurait déséquilibré les écosystèmes et conduit à des extinctions en cascades parmi les autres familles de dinosaures, suggère l’étude. C’est dans ce contexte qu’une météorite de 12 km de diamètre frappa la Terre. Déjà affaibli, le règne des géants n’a pu se remettre de ce cataclysme, contrairement à certains petits mammifères.