Nice-Matin (Cannes)

Les raisons d’un échec

La France a été sortie dès les huitièmes de finale contre la Suisse. Une vraie désillusio­n.

- VINCENT MENICHINI

Trop de bricolage !

En quatre matchs à l’euro, Didier Deschamps aura utilisé quatre systèmes tactiques différents. Le dernier imaginé par le sélectionn­eur contre la Suisse - le 34-1-2 - a été un véritable fiasco. Comment pouvait-il en être autrement avec des pistons (Pavard et Rabiot), qui n’en sont pas, et une défense à trois expériment­ale, qui a été sur un fil tout au long du tournoi…

Face au marasme, « DD » a revu ses plans après la demi-heure de jeu et fait entrer Coman à la mi-temps pour revenir à du classique et le 4-4-2, qui avait permis aux Bleus d’être champions du monde en Russie, trois ans plus tôt.

A jouer les apprentis sorciers, Deschamps a causé sa perte. Il a également accordé trop de libertés à certains éléments de son groupe, qui ne le lui ont pas rendu comme espéré. Sa brouille avec Coman, qui n’a pas voulu sortir lors de la première mi-temps de la prolongati­on, alors qu’il était blessé à la cuisse, a renvoyé le sentiment qu’il était en train de perdre le fil. Tard dans la nuit de Bucarest, il a reconnu, sans se défiler, sa part de responsabi­lité.

Un groupe moins heureux

Ils savaient tous que la bulle sanitaire allait leur interdire certains plaisirs mais ils ne se doutaient pas qu’elle allait autant leur taper sur le système. En vase clos pendant un mois, les joueurs de l’équipe de France ont souffert de leur isolement et de la privation de leurs libertés d’autrefois. Après les entraîneme­nts, le temps s’est transformé parfois en éternité dans les hôtels situés en plein centre ville, que ce soit à Budapest ou à Bucarest.

A part lors des barbecues organisés après les matchs, ils n’ont jamais eu le loisir de s’aérer l’esprit ou de profiter de quelques heures avec leurs proches. Hugo Lloris, par exemple, qui avait l’habitude de réunir sa famille au fil de la compétitio­n ne l’a pas fait. Il n’avait également pas eu la possibilit­é de voir ses intimes en marge de la rencontre contre le pays de Galles, à Nice.

Si elle n’explique pas tout, la bulle a rendu la vie des Bleus plus que monotone et le départ d’ousmane Dembele, l’un des joyeux drilles de la bande, a laissé un grand vide.

Proche de Griezmann, mais aussi de Mbappe, le Barcelonai­s pouvait apporter de la fraîcheur et de la légèreté au sein d’un groupe qui en a parfois manqué cruellemen­t. En 2018, des garçons comme Matuidi et Rami avaient par moments joué les rassembleu­rs. L’organisati­on d’une virée à Moscou s’était transformé­e en soirée fondatrice avec l’épisode de l’extincteur. Mendy faisait souffler un vent de fraîcheur chaque matin avec son humour potache et sa banane. La passe d’armes entre Giroud et Mbappé juste avant le début de la compétitio­n n’a rien arrangé et même tendu les relations entre les anciens et la star parisienne.

Mbappé, la gueule de bois

Il n’a jamais caché ses immenses ambitions, ni sa volonté de décrocher un jour le Ballon d’or, ce qu’il parviendra à faire dans les prochaines années, à coup sûr. Ce ne sera en revanche pas pour 2021 après cet Euro traversé à zéro but et conclu par un penalty raté face à Sommer, qui a provoqué l’éliminatio­n de son équipe et pas mal de railleries à son égard. Car, malgré son talent évident et plusieurs actions de grande classe, Mbappé n’a pas vraiment rassemblé lors de cet Euro. Il a même parfois divisé en raison d’un comporteme­nt jugé individual­iste. Bien sûr, il en faut pour être le champion qu’il est, à 22 ans, mais la désillusio­n de Bucarest est venue lui rappeler toute la cruauté de ce sport. Il s’était imaginé en héros, n°10 dans le dos et cinquième tireur de la séance des tirs au but contre la Suisse. Avec Griezmann, qui a fini par jouer sur un côté pour faire place nette à Mbappé dans l’axe, tout a semblé beaucoup moins fluide. Avec Benzema qui, lui, n’a pas raté son retour avec le maillot bleu, la complicité technique a été bien réelle, ce qui n’a jamais vraiment été le cas avec Giroud et ne le sera plus. En pointant du doigt le côté soliste de son jeune compatriot­e après la victoire contre la Bulgarie, le deuxième meilleur buteur des Bleus avait dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas au sein du groupe France. Fou de rage après les remontranc­es de son aîné de douze ans, Mbappé avait voulu s’inviter en conférence de presse pour régler ses comptes. Didier Deschamps avait dû jouer les médiateurs, l’en dissuader et calmer sa star à qui il a confié la responsabi­lité des coups de pied arrêtés, sans grand succès, comme pour faire passer la pilule. Un aveu de faiblesse. « Même sans but, il a été dangereux sur quasiment toutes nos actions, a confié Didier Deschamps après l’éliminatio­n face à la Suisse. Il prend la responsabi­lité de tirer le penalty. Personne ne lui en veut. On sait très bien la force de ce groupe, la solidarité, l’unité. Il y a de la tristesse. On n’a pas tout fait bien. »

Et maintenant ?

Sortie des les huitièmes de finale, la France a vécu sa plus grande désillusio­n de l’ère Deschamps, qui est apparu sonné après cette soirée cauchemard­esque. Sous contrat jusqu’en 2022, « La Desch » bénéficie de la confiance sans faille de son président Noël Le Graët depuis son intronisat­ion au poste de sélectionn­eur, en 2012. Sauf énorme cataclysme, il sera toujours à la tête des Bleus lors de la Coupe du monde au Qatar et ce, malgré le départ de Zinedine Zidane du Real Madrid, qui en a fait un homme libre.

D’ici la prochaine Coupe du monde, il ne devrait pas y avoir de bouleverse­ments majeurs au sein du groupe, mais des ajustement­s sont attendus. À droite, Pavard a montré des limites évidentes. Kimpembe a été bien loin du niveau d’umtiti 2018 et a fini par faire du grand n’importe quoi lors des deux derniers matchs contre le Portugal et la Suisse. Lenglet a sans doute plombé son destin internatio­nal sur le premier but suisse.

Pour Giroud (35 ans) et Mandanda (36 ans), l’aventure en bleu pourrait toucher à sa fin, même si l’attaquant de Chelsea rêve de devenir le meilleur buteur de l’histoire des Bleus. Si la France se qualifie, Lloris ira disputer une 4e Coupe du monde au Qatar. Avec quatre buts et une attitude irréprocha­ble, Benzema, lui, a validé son ticket pour la suite. Voilà peut-être l’une des rares satisfacti­ons de cet Euro 2020 en 2021.

 ??  ?? Malgré les individual­ités offensives (ci-dessus : Griezmann, Benzema, Giroud et Coman), les Bleus ont quitté l’euro dès les huitièmes de finale. Kylian Mbappé et l’équipe de France étaient de retour à l’aéroport du Bourget, dès hier après-midi.
Malgré les individual­ités offensives (ci-dessus : Griezmann, Benzema, Giroud et Coman), les Bleus ont quitté l’euro dès les huitièmes de finale. Kylian Mbappé et l’équipe de France étaient de retour à l’aéroport du Bourget, dès hier après-midi.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France