“d’a A priori, il n’y a pas priori. La science est un débat contradictoire ”
Quels sont les signes tangibles, s’il y en a, d’une possibilité de vie ailleurs ?
Il faut dissocier les Ovnis de cet autre sujet qu’est une éventuelle vie ailleurs. Jusqu’à maintenant, on a toujours trouvé une explication naturelle. Le Pentagone a révélé des images de phénomènes inexpliqués, mais il y a plein de phénomènes que l’on n’explique pas et ce n’est pas pour cela que ce sont des Ovnis. Une autre chose à dire, nous, astrophysiciens, nous avons de grands télescopes qui scrutent le ciel en permanence, et nous n’avons rien vu. C’est bien dommage : on en aurait rêvé ! Il n’y a pas un tabou là-dessus, on cherche tous la vie ailleurs. S’il y en avait une, nous n’aurions aucune raison de le cacher, au contraire. Bien sûr, le jour où on la trouvera, si on la trouve, sera mis en place un protocole pour l’annoncer car ce peut être un bouleversement, remettant en cause la place de l’homme dans l’univers.
La preuve d’une vie ailleurs signifierait-elle la fin des religions ?
C’est une question qu’il faut poser à un théologien. Cela dépend de l’interprétation. Au départ, on était au centre du monde. Galilée s’est fait torturer parce qu’il disait que la Terre était ronde. Giordano Bruno s’est fait crever les yeux au Moyen-âge en déclarant qu’il n’était pas impossible qu’il existe une vie ailleurs. Sommes-nous un accident ? Ou sommes-nous génériques, c’est-à-dire un parmi les autres ? C’est la grande question. Cela étant dit, ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas la vie ailleurs que celle-ci n’existe pas. L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.
Comment aborder raisonnablement cette question ?
Il y a milliards d’étoiles dans notre galaxie. Et, pour l’instant, on estime qu’il y a au moins
milliards de galaxies dans l’univers. Les possibilités de combinaisons extrêmement grandes peuvent laisser penser qu’il doit bien y avoir une vie ailleurs. Enrico Fermi, l’un des pères de la mécanique quantique et de la bombe atomique, avait créé ce paradoxe, lié à l’équation de Drake : s’il y a autant de possibilités, pourquoi ne nous rendent-ils pas visite, puisque nous-même cherchons à y aller ? Pour Fermi, plusieurs hypothèses, dont celle-ci : dès qu’une civilisation a une technologie suffisamment sophistiquée et puissante pour sortir de son système planétaire, elle l’utilise d’abord contre elle et, donc, s’exterminera avant d’avoir la chance et le temps d’aller voir ailleurs. Regardons chez l’humain : la poudre avec le canon, l’atome avec la bombe…
D’autres suppositions ?
Deuxième hypothèse : une autre civilisation passe près de nous, sans que nous l’intéressions, étant trop primitifs. Par exemple, si je voyais un cafard sous mon bureau, je n’irais pas lui sortir les équations d’einstein pour lui expliquer la théorie de la relativité. En l’occurrence, je l’exterminerais.
La troisième : l’espace est trop grand. Même s’il y a d’autres civilisations, la probabilité qu’elles viennent nous voir est infime. L’étoile la plus proche de nous, Proxima du Centaure, est située à , années-lumière de nous. Ce qui signifie qu’avec les technologies actuelles, il nous faudrait plus d’une centaine de milliers d’années pour nous y rendre. ans ! Jésus Christ, c’est ! Si tout est trop loin, donc si tout est vide, si vieily a, il n’est pas du tout évident qu’on puisse la détecter. Quant à savoir si créer le vivant est quelque chose de banal ou d’exceptionnel, les échantillons que nous essaierons de récolter sur Mars nous y aideront peut-être. Il y a milliards d’années, cette planète était habitable comme la Terre. On ne parle pas forcément d’une vie intelligente. Quand on regarde l’histoire de notre Terre, si on la rapporte à heures, nous sommes nés dans la dernière milliseconde. Il faut du temps, pour faire de la vie intelligente. Mais si, en rapportant des échantillons de Mars, on est sûr qu’il y a eu de la vie et qu’elle n’a pas été amenée de la Terre par des impacts, donc si l’on est sûr qu’elle est originelle de Mars, des champs plus grands s’ouvriront.
Il reste une hypothèse ?
La quatrième hypothèse, c’est que, peut-être, nous sommes seuls. Quand on voit toutes les conditions qu’il a fallu réunir pour que la vie arrive sur Terre, quand même, elles ne sont pas triviales. Et ont nécessité des choses complètement aléatoires et indépendantes les unes des autres. Un peu comme si, en jouant au loto, vous remportiez le gros lot cette semaine, et la semaine suivante, et la semaine d’après. C’est cela qui est arrivé sur Terre. Il a d’abord fallu faire une planète à la bonne distance du Soleil et de la bonne taille pour accueillir de l’eau – on peut y arriver, peut-être, ailleurs. Mais il a fallu aussi qu’elle se différencie de telle sorte qu’elle génère un champ magnétique assez puissant et régulier. Il a fallu encore la tectonique des plaques. Et que la Lune, venue d’un impact avec un objet de la taille de Mars, se forme avec la bonne masse et
Quel regard portez-vous sur ceux, hurluberlus ou de bonne foi, qui sont convaincus d’avoir vu?
Il faut rester humble. On ne sait pas tout. J’écoute. Le problème, ce sont les gens qui, dans des théories de la conspiration, dans le délire, soutiennent n’importe quoi. En général, ils sont cohérents, ne croient pas non plus au World Trade Center, à l’homme sur la Lune, aux vaccins, c’est le même « pattern », le même schéma psychologique. Disons qu’a priori, il n’y a pas d’a priori. Ce dont je ne veux pas, ce sont des conclusions hâtives. La science fonctionne par démonstration, par vérification. C’est un débat contradictoire. Une théorie est valide jusqu’à ce qu’elle soit réfutée. Si je vous dis que, d’après mes calculs, le Soleil, quand il se couche, est bleu, vous pouvez réfuter.
Mais la Terre est bleue comme une orange… La poésie ? L’émerveillement ?
Rien n’est plus amusant et merveilleux que la science. Quand on explique un phénomène physique, on le regarde avec plus d’émerveillement encore. Si l’on comprend ce qu’un peintre a voulu dire, on apprécie encore davantage son tableau.