Nice-Matin (Cannes)

Dans la peau d’une “fée” de chambre au JW Marriott

Hier matin, les petites mains de l’hôtel 5 étoiles JW Marriott se sont activées avant le coup d’envoi du Festival. Rahma, femme de chambre depuis 2003, m’a invitée dans son univers…

- SOLÈNE GRESSIER sgressier@nicematin.fr

Vite, les Festivalie­rs arrivent ! Il ne reste plus que quelques heures pour fignoler les derniers préparatif­s. Ceux dont Rahma détient le secret, et qu’elle s’apprête à me livrer.

Des Festivals de Cannes, la femme de chambre en a vécu des dizaines. Aucun ne l’a jamais effrayé. Alors ce n’est pas cette nouvelle édition après une année blanche et l’instaurati­on des mesures sanitaires - qui pourrait lui donner du fil à retordre. Malgré la mise en garde de la gouvernant­e générale Leïla Bonifacegu­egan. « N’oubliez pas : on est en pleine préparatio­n du FIF », annonce-t-elle à son équipe de femmes de chambre dans le service housekeepi­ng Traduction : aucune de vous n’a le droit à l’erreur. Moi non plus, d’ailleurs.

Les coups de 9 heures retentisse­nt. Ce petit bout de femme, à l’énergie débordante et au caractère bien trempé, fonce récupérer son chariot de ménage. Sans oublier de m’attraper au passage. « On travaille en binôme, ma chérie », affirme-t-elle, d’une voix enjouée. Comme s’il n’était pas l’heure de suer.

Douze chambres à nettoyer par jour

Rahma me traîne dans l’ascenseur. Direction le quatrième étage. Dans la pièce métallique, trop petite pour le nombre de personnels qui l’empruntent en même temps, on croise la route d’un chef cuisinier : « C’est la course, hein ? » Oui. Ouverture des portes. Prêtes ? Partez !

Arrivées devant la chambre 418 (2), Rahma frappe trois coups sur la porte. Personne ne répond. La voie est libre. Montre en main, Rahma ne veut pas perdre de précieuses secondes. Sinon, la chambrière n’aura pas le temps de nettoyer les dix autres chambres qui l’attendent dans la journée. Un laisser-aller impardonna­ble. Rahma se précipite vers les fenêtres pour aérer et se jette sur les affaires de l’ancien locataire, parti en trombe. Une chemise rouge jonche le sol. Des sacs en papier vides d’achat et des étiquettes sauvagemen­t arrachées traînent sur le bureau. Sur la table de chevet, une canette et quelques emballages alimentair­es. Un boxon qui ne relève pas de l’inhabituel. « Des fois, c’est pire ! » rigole Rahma. En témoigne l’état de la salle de bains, inondée. La femme de chambre attrape une paire de gants bleus et efface toute trace de vie. Du sol jusqu’au plafond. Par mimétisme, je m’exécute. « Du ménage, c’est du ménage. C’est bête et méchant », pensé-je, persuadée de la qualité de mon travail. Une réflexion de mon acolyte freine mon élan :

Le souci du détail

Vous avez nettoyé sous les abat-jour ? » Question rhétorique. J’ai oublié, et elle s’en doutait. « La chaise aussi ? Ses pieds ? Le coffre-fort ? Le frigo ? Il faut tout faire .»

Ce check-in, Rahma l’exécute dans chaque chambre. Sans ne jamais oublier le moindre détail. Rien ne perturbe son rythme effréné. Ni ma présence ni celle de la gouvernant­e d’étage, Illham, venue lui annoncer une mauvaise nouvelle. A sa longue liste s’ajoute une chambre supplément­aire. « C’est quelqu’un d’important », prévient Illham,

«sans préciser son nom. Rahma pourrait se laisser submerger par une vague de stress. De mon côté, pourtant, la pression monte. Mais elle ne laisse rien paraître. Malgré ses allers-retours jusqu’à la buanderie et ses gouttes de transpirat­ion. « C’est un métier dur », finit-elle par admettre, à quatre pattes pour enlever un mouton de poussière sous le lit. Dur, mais palpitant. Et surtout : « Indispensa­ble », rappelle la gouvernant­e générale Leïla Boniface-guegan. « On ne parle jamais des femmes de chambre. Mais sans elles, il n’y aurait pas d’hôtel. » À ses fées du logis dont on ne peut contester la magie… (1) Service de nettoyage hôtelier.

(2) Pour respecter la confidenti­alité de l’hôtel, les numéros de chambres ont été modifiés.

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(Photos Sébastien Botella) Dans une journée, Rahma nettoie douze chambres.
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