Pogacar est-il si blanc ?
Trois raisons de croire que le Slovène est un très grand. Trois autres raisons de penser qu’il pourrait finalement n’être qu’un imposteur de plus... Revue de détail du coureur d’emirates. Il a dit
Tadej Pogacar, solide maillot jaune du Tour de France, a tant dominé le contre-la-montre et les deux premières étapes de montagne de l’édition 2020 que sa supériorité a relancé les soupçons qui accompagnent toute supériorité manifeste...
Pour y voir (un peu) plus clair, revue de détail des arguments en faveur ou à la charge du jeune Slovène, vainqueur-surprise du Tour l’an passé.
OUI : par sa qualité de tenant du titre
« Pourquoi douter ? », estime l’ancien vainqueur du Tour (2010), le Luxembourgeois Andy Schleck. « C’est peutêtre le plus grand talent qu’on ait vu depuis Eddy Merckx, on ne le sait pas encore, il est au début de sa carrière. » Un constat : dans le passé, la 2e victoire dans le Tour a presque toujours été plus nette que la première. Sans remonter à Bernard Hinault (1979) et Laurent Fignon (1984), qui avaient écrasé la course ces années-là, les Espagnols Miguel Indurain (1992) et Alberto Contador (2009) ont survolé la concurrence lors de leur deuxième succès. Tout comme le Britannique Chris Froome en 2015.
OUI : son palmarès chez les jeunes
Pogacar a gagné en 2018 le Tour de l’avenir, l’épreuve de référence dans la catégorie espoirs. Chez les juniors, il figurait parmi les meilleurs de la catégorie sans toutefois la survoler comme a pu le faire ensuite le Belge Evenepoel. C’est en 2019, sa première saison dans le peloton, qu’il a accompli un impressionnant saut qualitatif : 3e de la
Vuelta, son premier grand tour, en gagnant 3 étapes.
OUI : ses contrôles, tous négatifs
« Je n’ai pas de raison de douter du résultat », a affirmé samedi le président de L’UCI David Lappartient, en se basant sur les contrôles antidopage subis par le maillot jaune, tous négatifs.
Après une année 2020 chamboulée sur ce plan en raison du coronavirus ( «Il est évident que ça a fonctionné au ralenti comme toute l’activité », relevait le directeur du Tour Christian Prudhomme), L’UCI a précisé avant le départ de Brest que la situation était redevenue normale, pour le nombre et le ciblage des contrôles hors compétition.
NON : son niveau de performance
Dans le contre-la-montre, Pogacar a battu sur son terrain un pur spécialiste tel que Stefan Küng.
Dans la première étape de montagne, il a réalisé une montée-record des deux derniers cols bien que les références soient limitées sur l’enchaînement Rommecolombière.
Plus encore que les chiffres, c’est l’aisance affichée par le Slovène qui a interpellé. Même s’il convient de rappeler que Pogacar n’a plus de rival à son niveau dans ce Tour.
NON : son entourage
L’équipe UAE est dirigée par Mauro Gianetti et Matxin Fernandez, deux ex-responsables de la sulfureuse et défunte équipe Saunierduval dont les chefs de file ont tous eu maille à partir avec l’antidopage (Ricco, Piepoli, Cobo, Mayo) à la fin de la décennie 2000. Son directeur sportif Andrej Hauptman a, lui, été recalé au départ du Tour 2000 pour un hématocrite supérieur à la norme.
Pogacar paye aussi son identité slovène, un pays au coeur de l’affaire Aderlass, (un réseau de dopage mis au jour en 2019, d’abord en Autriche puis dans d’autres pays dont la Slovénie). Mais son nom n’a jamais été cité
“Quand
quelqu’un ne croit pas en moi, j’essaie toujours de prouver qu’il a tort. Nous avons de nombreux contrôles pour donner tort aux sceptiques. ”
Tadej POGACAR Le Slovène a assuré hier avoir été testé trois fois la veille, deux fois avant le départ et une après l’arrivée de la 9e étape à Tignes.
dans cette affaire de dopage sanguin qui a touché plusieurs sports...
NON : le passé du cyclisme
« Le public doute toujours », regrette Andy Schleck sur la même ligne qu’un autre ancien vainqueur Bernard Thévenet : « Sa performance est majeure, extraordinaire, mais ça c’est déjà vu dans le cyclisme ». Il reste que le Tour a appris la prudence, après le traumatisme des années Armstrong (7 victoires rayées du palmarès entre 1999 et 2005). Deux questions se posent : le Tour est-il entré de nouveau dans une zone d’ombre ? Mais aussi : l’exploit est-il interdit dans le cyclisme ?