Nice-Matin (Cannes)

Le Débarqueme­nt dans les yeux du soldat Velsch

Alors qu’une exposition démarre au Musée de l’artillerie de Draguignan, le Lavandoura­in Pierre Velsch, l’un des premiers hommes à avoir débarqué, retrace son histoire.

- CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

‘‘ Cette crise est une pandémie, pas une guerre. On ne peut comparer l’incomparab­le.”

Des grandes lignes aux moindres détails, Pierre Velsch, 95 ans, n’a rien oublié de son histoire. Intimement liée à celle de la Nation, celle-ci fait aujourd’hui sa force. Sa fierté… Et c’est avec émotion que le vétéran, qui réside actuelleme­nt au Lavandou, dans le Var, s’y replonge, soixante-dix-huit ans plus tard. Natif d’alger, le 27 mars 1926, Pierre n’a que 13 ans lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Patriote, le garçonnet porte déjà en lui la volonté de s’engager mais, freiné par son jeune âge, il se résout et patiente jusqu’à ses 17 ans. En 1943, faisant le choix d’écouter son coeur, plutôt que l’avis défavorabl­e de ses parents, le jeune volontaire finit par rejoindre les commandos d’afrique, créés par le général Giraud et placés dans le giron américain.

« Engagé avec un groupe de copains »

« À l’époque, j’habitais Kouba, aux environs d’alger. Je ne me suis pas engagé seul, mais avec un groupe de copains », se souvient Pierre, qui entame alors un nouveau chapitre de sa vie, et enchaîne les péripéties.

Après des semaines d’entraîneme­nt intensif à Saint-florent, sur l’île de beauté, le soldat Velsch participe à la conquête de l’île d’elbe en juin 1944. Puis, sous les ordres du lieutenant-colonel Bouvet, Pierre et ses compagnons de guerre se préparent à entrer dans l’histoire.

« Le 11 août au soir, nous avons quitté l’italie pour rejoindre la Corse, raconte-t-il. Là-bas étaient rassemblée­s toutes les forces vives du Débarqueme­nt.

Et nous avons rejoint au large l’armada américaine. Notre mission à nous, commandos d’afrique, était d’anéantir les batteries du Cap Nègre, pour que les alliés puissent débarquer, et couper les routes nationales afin d’empêcher la venue de renforts allemands. Ce que nous avons fait, très exactement à minuit, dans la nuit du 14 au 15 août. À 1 h 30, avec les 600 hommes des commandos, nous devions débarquer sur la plage du Rayol mais, à la suite d’une erreur de navigation, nous sommes finalement arrivés sur la plage du Canadel. Les combats avec les Allemands ont duré toute la nuit, jusqu’à l’arrivée des Américains. Dans nos rangs, nous avons dénombré une vingtaine de tués et une cinquantai­ne de blessés. Côté allemand, une soixantain­e

de pertes et près de 400 prisonnier­s. »

Aujourd’hui encore, l’émotion reste intacte dans le coeur de Pierre Velsch. Mais, nonobstant les peines ressenties, la fierté prendra toujours le dessus.

« Une mission presque divine »

« Libérer la mère patrie, c’était une mission presque divine à mes yeux, confie Pierre. Je suis fier de l’avoir accomplie, et je le suis d’autant plus que je compte parmi les premiers Français à avoir débarqué. Avant les Américains, avant tout le monde. » Dans son parcours militaire, figurent également : la neutralisa­tion de la batterie de Mauvanne à Hyères ; la prise du fort du Coudon ; la libération de Toulon le 27 août 1944 ; la bataille des Vosges, dans laquelle le soldat faillit laisser sa vie, et d’où il repartit « les pieds gelés », ainsi que la libération de Belfort, en novembre 1944. Autant de faits d’armes qui lui ont valu pas moins de douze décoration­s, dont la célèbre Légion d’honneur. Démobilisé le 19 février 1946, retraité de la Banque de France et Lavandoura­in depuis 1996, Pierre Velsch mène aujourd’hui un autre combat : la transmissi­on de mémoire intergénér­ationnelle.

« Partager cette histoire est mon devoir »

À ce titre, le vice-président de l’amicale des commandos d’afrique intervient régulièrem­ent auprès des écoliers.

« Mes deux enfants, quatre petitsenfa­nts et deux arrière-petits-enfants connaissen­t déjà tout de mon histoire, sourit-il. La partager plus largement, au-delà du cercle familial, relève de mon devoir », considère l’ancien combattant qui, avec son ami grenoblois Henri Fabre, est le dernier témoin de l’histoire des commandos d’afrique. Et dans le contexte actuel, à l’heure où le monde est « en guerre » contre la Covid, Pierre Velsch refuse le mélange des genres. « La formule “nous sommes en guerre” appartient aux politicien­s. Or cette crise est une pandémie, pas une guerre. Il n’y a rien de pire qu’un conflit armé. » Qui mieux que Pierre Velsch pour en témoigner...

 ?? (Photos DR) ?? Le vétéran (qui apparaît, ci-dessus, tout à fait à droite avec ses compagnons) a participé au film documentai­re de Philippe Natalini, Été  : Mémoires d’un commando d’afrique, dont la sortie est prévue prochainem­ent.
(Photos DR) Le vétéran (qui apparaît, ci-dessus, tout à fait à droite avec ses compagnons) a participé au film documentai­re de Philippe Natalini, Été  : Mémoires d’un commando d’afrique, dont la sortie est prévue prochainem­ent.
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