Le patrimoine, c’est une question de point de vue...
Volonté municipale forte pour la majorité, rattrapage d’années d’inaction pour l’opposition : le débat sur l’état du patrimoine de Grasse a donné lieu à un long et (plutôt) vain échange.
Le meilleur moyen de ne pas s’entendre, c’est encore de faire semblant de ne pas se comprendre... La modification de l’appel à mécénat lancé pendant la séance du 29 juin [lire plus loin] a bifurqué sur un dialogue de sourds entre élus, lors du dernier conseil municipal. Point d’achoppement : la situation du patrimoine grassois.
Invoquant « une dynamique à marche forcée de restauration » dudit patrimoine, le maire, Jérôme Viaud, a, bien involontairement, allumé la mèche. Et c’est Patrick Isnard qui a dégainé le premier : « S’il est en mauvais état, c’est qu’il n’a pas été entretenu. Vous êtes maire depuis 7 ans, pas grandchose n’a été fait, glisse l’élu du groupe Grasse D’abord. Je pense que la volonté est là, mais depuis peu de temps...»
Sainte-hélène au coeur du débat
Là, le premier magistrat et Nicolas Doyen, adjoint délégué au patrimoine, déjugent. Et dressent la liste des restaurations menées lors du précédent mandat : «Les chapelles Saint-joseph, Saint-antoine, Saint-mathieu, Sainte-lorette, Saint-françois, les travaux de la ville Fragonard, le portique donnant accès au jardin des Orangers...» Adjoint aux Marronniers, Ali Amrane y ajoute « la rénovation quasi totale des oratoires et monuments aux morts. » Inventaire qui ne convainc pas Stéphane Cassarini (Grasse D’abord). Il est même « très amusé de voir [le maire] se dresser en grand défenseur du patrimoine. » Son cas d’école : la chapelle Sainte-hélène du Plan, fermée depuis les intempéries de fin 2019, car elle « menaçait de s’écrouler. Vous laissez les bâtiments s’effondrer pour vous poser en héros parce que vous remontez les ruines. »
Autre objet de son courroux : l’église du Petit Paris : « En 2019, vous annonciez qu’elle serait conservée. Vous avez menti : elle est devenue un hall d’immeuble. » La responsabilité de Sainte-hélène, Jérôme Viaud n’entend pas l’endosser : « Elle était déjà en très mauvais état. » Gilles Rondoni, adjoint au Plan, rebondit : « Des travaux y étaient programmés, par rapport aux infiltrations, avant que les intempéries nous contraignent à la fermer. »
« Il est dans un triste état, c’est la vérité »
Le premier magistrat reprend : « Le patrimoine est dans un triste état, c’est la vérité. Mais on se donne tous les moyens pour accélérer sa mise en protection, c’est pour ça qu’on s’engage, avec cet appel au mécénat et le plan pluriannuel d’investissement [7,8 M€ d’ici 2025] .»
Concluant ? Pensez-vous... Attentif au listing, Stéphane Cassarini rembobine : « Vous parliez du portique. C’est un symbole. Le jardin des Orangers a été fermé pendant plus de dix ans, il a fallu attendre une bonne âme, un mécène, pour, enfin, le restaurer. Sans ça, il serait peut-être toujours dans le même état...» Raisonnement réducteur pour Jérôme Viaud. « Ça ne s’est pas fait juste en signant un chèque. Il y a eu de nombreuses études et cette dame s’est engagée à ma demande. Ce n’est pas venu tout seul, c’est un travail. Comme le fait de trouver un million d’euros pour rénover Sainte-hélène. »
Choix politique... à géométrie variable
Le ping-pong continue : service, Patrick Isnard. «Sivousavezassaini les finances de la Ville durant votre premier mandat, comme vous le dites, pourquoi avoir besoin de financement extérieur pour ces rénovations ? » interroge l’élu d’opposition. Sa conclusion : «La décision d’investir de l’argent ailleurs [il évoque, notamment, la médiathèque Charles-nègre], c’est un choix politique. »
Le maire acquiesce... à sa façon : « Oui, c’est un choix politique, d’investir 7 M€ pour le patrimoine. » Place au vote : unanimité ; Jérôme Viaud remercie l’assemblée. «Ce vote, ce n’est pas une reconnaissance de votre engagement et de votre travail, tonne Stéphane Cassarini. C’est une nécessité absolue. Vous n’avez rien fait depuis 2014. » Quarante minutes de débat et chacun reste campé sur ses positions. Rien de nouveau sous le soleil grassois...