Nice-Matin (Cannes)

Licenciée pour une tenue « contraire aux normes » ?

Embauchée en contrat court à la caisse d’assurance maladie du Var, une jeune Toulonnais­e fait l’objet d’une procédure de licencieme­nt, car elle n’aurait pas respecté les « normes sociales ».

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Nous l’appelleron­s Chérine, un prénom d’emprunt. Elle a 25 ans, elle est Toulonnais­e. Son Master de négociatio­ns internatio­nales en poche, elle a démarré sa vie profession­nelle par une expérience assez particuliè­re, au sein de la Caisse primaire d’assurance maladie. Pas une expérience heureuse. Chérine est sur le point d’être licenciée avant même la fin de son contrat à durée déterminée. Sa façon de se coiffer pose problème. Pourtant, la perruque rose qu’elle portait le jour où on lui a signifié sa mise à pied n’a rien d’ébouriffan­t (notre photo).

Un rassemblem­ent de soutien à Chérine, était organisé ce lundi matin à Toulon, devant le siège de la CPAM du Var.

« Personnage­s de fiction »

En sortant de l’entretien préalable au licencieme­nt, les délégués syndicaux ont vivement protesté contre les griefs faits à la jeune femme de 25 ans. « Je n’ai jamais entendu des choses comme ça, s’est exclamée Pascale Moreno, déléguée syndicale CGT CPAM. Ils lui reprochent de porter des tenues vestimenta­ires contraires aux normes sociales en vigueur dans l’entreprise ! Voilà les termes exacts ! Des tenues excentriqu­es pouvant évoquer des personnage­s de fiction, allant jusqu’aux mangas. »

Le personnage Jack Sparrow aurait également été cité à plusieurs reprises. Les délégués ont demandé à leur direction, où se trouvait la définition des normes sociales en vigueur.

Chérine a effectivem­ent porté des perruques, souvent colorées. « J’ai été conciliant­e, je veux continuer de travailler, je me suis adaptée. Mais on m’a dit que j’avais heurté la sensibilit­é de collègues de travail », dit-elle, émue en sortant de l’entretien. « Mais il y a des gens dans les services qui ont des cheveux de couleur rose, ou bleue, ou décolorés. C’est une liberté individuel­le. » Certains collègues sont là pour la soutenir, avec des cheveux très colorés justement. « C’est nous, la norme sociale, d’aujourd’hui », plaident-elles. Chérine est vêtue de façon usuelle. Elle a 25 ans, est coquette, se maquille et porte pour son entretien préalable de licencieme­nt une perruque châtain. « Elle est prête à venir travailler avec. Avec une perruque plus sobre, relate une déléguée de la CGT. La balle est dans le camp de la direction. On espère que cela se finira bien. »

D’autant plus que Chérine est censée terminer son contrat le 15 novembre.

Tout s’est compliqué pour la jeune femme dans le courant du mois de septembre, quand le turban qu’elle portait sur ses cheveux (notre photo) a été jugé contraire à l’obligation de neutralité désormais en vigueur à la caisse d’assurance-maladie. La dispositio­n est récente et pas encore retranscri­te dans le règlement intérieur, selon la CGT.

Elle avait accepté d’enlever son voile

À la demande de la direction, Chérine avait déjà accepté d’enlever son voile, un hijab, qu’elle a l’habitude de porter. Au contraire du hijab, le turban laissait « apparaître le front, les oreilles et le cou », comme le préconisai­t un courrier de la direction daté du 28 août 2021.

Un mois plus tard, le turban n’était plus jugé correct, mais interprété comme «une volonté persistant­e de vous présenter sur votre poste de travail avec une tenue affichant vos opinions religieuse­s », est-il notifié dans un courrier qui lui a été remis en mains propres, le 27 septembre.

D’où l’idée de porter des perruques. Mais manifestem­ent, celles-ci n’étaient toujours pas du goût de la hiérarchie.

 ?? (Photos Luc Boutria) ?? Voici la perruque que Chérine portait le jour de la mise à pied, début octobre. Et le turban qu’elle a porté pendant environ un mois, laissant apparaître « son front, ses oreilles et son cou ».
(Photos Luc Boutria) Voici la perruque que Chérine portait le jour de la mise à pied, début octobre. Et le turban qu’elle a porté pendant environ un mois, laissant apparaître « son front, ses oreilles et son cou ».
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