Nice-Matin (Cannes)

Immigratio­n, woke culture : Éric Revel sonne le tocsin

L’éditoriali­ste politique, ancien directeur général de LCI, estime que la présidenti­elle de 2022 est la « dernière fenêtre de tir démocratiq­ue pour agir et éviter le naufrage de la France ».

- PROPOS RECUEILLIS PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Insécurité grandissan­te, immigratio­n incontrôlé­e, communauta­risation, impuissanc­e de la police, perte de nos valeurs… Le dernier livre d’éric Revel est un brûlot. L’éditoriali­ste, qui a notamment participé au lancement de Face à l’info sur Cnews, martèle ses conviction­s dans Fenêtre de tir (éditions Ring). Il prend le pouls d’une « France malade » qui, écritil, « a rendez-vous l’an prochain avec son histoire ».

Le titre de votre essai, illustré par une photo de l'élysée rouge sur fond noir, est à double sens. Pourquoi ce choix ?

[Il sourit] Il s’agit d’une fenêtre de tir démocratiq­ue ; personne ne songe à « viser » l’élysée ! Cette présidenti­elle, c’est une vraie opportunit­é de faire le choix du retour à l’autorité républicai­ne qui s’est délitée dans tous les secteurs. Je constate, d’ailleurs, qu’emmanuel Macron est plus présent depuis quelques mois sur les thématique­s régalienne­s.

Votre livre est un réquisitoi­re contre Emmanuel Macron. Rien de ce qu'il a fait ne trouve grâce à vous yeux ?

Ce n’est pas un réquisitoi­re. Je pense qu’il était trop jeune, trop brillant, trop déconnecté de la vie réelle des Français. Il est passé à côté de son quinquenna­t sans jamais parvenir à incarner la fonction présidenti­elle.

Vous l'accusez à la fois de manquer d'autorité et d'autoritari­sme.

N’est-ce pas contradict­oire ?

Pas du tout. François Mitterrand disait : « L’autorité est un mystère, le mystère est une distance. » Il yauncôté immanent de l’autorité politique. L’autoritari­sme, c’est plutôt le constat que vous n’avez pas assez d’autorité et que vous essayez de compenser par des décisions intempesti­ves.

Deux phénomènes concentren­t vos critiques : la woke culture et l’un de ses dérivés, la cancel culture (). N’exagérez-vous pas le danger d'un mouvement

condamné par la quasi-totalité de la classe politique ?

Peut-être. Le problème, c’est que la woke culture est comme la mousse : elle s’insinue dans les interstice­s, on ne la voit pas tout de suite, puis elle finit par distendre les pierres. La cancel culture risque de remettre en cause la laïcité, pilier de notre République, parce qu’elle n’a pas traité de manière équivalent­e les différente­s religions. Il ne faut pas prendre à la légère cette remise en cause de l’histoire.

Àlabase,la pointe les différence­s de traitement induites par la couleur de peau

woke culture

ou par le sexe. Niez-vous que ces différence­s existent ?

Si vous voulez me faire dire qu’en France, il est plus difficile de trouver du boulot quand on est maghrébin, je l’admets. Mais ensuite ? Faut-il mettre en cause la République à cause de cela ? Évidemment, il faut épauler les minorités. Mais il ne faut, en aucun cas, faire de ces minorités un fait majoritair­e. Sinon, cela devient une dictature.

Vous regrettez la remise en cause du « roman national ».

Faut-il continuer à parler à nos enfants de « nos ancêtres,

?

les Gaulois »

Le roman national, c’est l’histoire de France. Elle ne commence pas avec la Révolution de , mais avec Clovis, le premier roi baptisé.

Aujourd’hui, on veut en gommer des pans entiers. Par exemple, on passe sous silence Napoléon ou on le décrit comme un boucher sanguinair­e…

Peut-être en réaction au fait que ce dernier aspect a longtemps été mis sous le boisseau ?

Personne n’a jamais dit que Napoléon était un démocrate. Mais, à son époque, les démocratie­s étaient rares ! Qu’on fasse son procès, oui. De là à déboulonne­r sa statue…

Faut-il occulter les aspects sombres de notre histoire ? La colonisati­on au XIXE siècle, le commerce triangulai­re…

Bien sûr qu’on peut en parler ! Mais pourquoi évoque-t-on si rarement les esclavagis­tes musulmans qui ont sévi en Afrique bien plus longtemps que les Européens ?

Vous souhaitez qu'une nouvelle loi fondamenta­le réaffirme que les lois de la République priment sur tous les principes religieux. Qu'avez-vous pensé de la déclaratio­n de Mgr Éric de Moulinsbea­ufort qui dit exactement l'inverse ?

() J’ai été extrêmemen­t choqué. Ce qui est valable pour les musulmans l’est aussi pour toutes les autres religions.

Selon vous, le problème en France, c'est l'islamisme ou la présence de l'islam ?

Le problème, c’est l’islam politique. Il n’est pas acceptable que la France fasse le jeu de puissances musulmanes qui, en finançant des mosquées, développen­t leur zone d’influence chez nous. Il n’est pas tolérable que les imams qui prêchent en France soient formés à l’étranger.

Vous estimez que l'islam n'est pas soluble dans la République ?

Il semble qu’une majorité de jeunes musulmans pense que les lois de la charia sont supérieure­s à celles de la République. C’est assez inquiétant. Il faut avoir le courage de poser ce problème. L’immigratio­n est une question

‘‘

Une remise en cause de la laïcité”

‘‘

Il ne faut pas hystériser le débat”

centrale aujourd’hui. Celui qui prétend que ce n’est pas le cas, qu’il vienne se promener en ville avec moi !

Vous faites souvent allusion aux médias « mainstream » ou

« bien-pensants » accusés de dissimuler aux Français la vérité sur l'immigratio­n. Qui visezvous précisémen­t ?

Le service public de l’audiovisue­l. Il ne faut pas oublier que la redevance est payée par tous les Français. En tant que contribuab­le, j’ai le droit d’exiger un service neutre. Pour le secteur privé, ça ne me gêne pas qu’une radio ou une chaîne de télévision soit engagée. Il suffit d’annoncer la couleur.

Le dernier chapitre de votre livre, fait songer au site web d’éric Zemmour –

Vous ne mentionnez jamais son nom. N’est-il pas le candidat que vous attendez ?

« le sursaut ou l’abîme », chemins ». « la croisée des Vous vous trompez. En mai, lorsque ce projet de livre est né, le phénomène Zemmour n’était pas encore amorcé. Je pense qu’il ne faut pas hystériser le débat. On peut s’en sortir collective­ment si on restaure l’autorité républicai­ne. Comme l’a dit très justement l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb, je ne veux pas que le côte à côte se transforme en face-à-face…

1. Passé simple du verbe anglais to wake, qui signifie en français « se réveiller », le mot « woke » a pris un sens véritablem­ent idéologiqu­e pour dénoncer toutes formes d’injustices subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuse­s. Ses détracteur­s s’inquiètent de la montée d’une intoléranc­e à l’égard d’opinions opposées, et d’un muselage de la liberté d’expression.

La cancel culture (de l’anglais cancel, « annuler ») est une pratique apparue aux États-unis consistant à dénoncer publiqueme­nt, en vue de leur ostracisat­ion, des individus, groupes ou institutio­ns responsabl­es d’actes, de comporteme­nts ou de propos perçus comme inadmissib­les.

2. Il a estimé sur Franceinfo que le secret confession­nel est « plus fort que les lois de la République ».

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(Photo archives N.-M.) « La woke culture est comme la mousse : elle s’insinue dans les interstice­s, puis elle finit par distendre les pierres », estime Eric Revel.

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