Costa-gavras : « On se souvient de lui parce que c’est un grand »
Pour lui, ses chansons sont éternelles. « Des chansons pour toujours. Qui parlent des hommes, des femmes, de nos peines et de nos joies. » Quelques films aussi, qui seront montrés à la Cinémathèque de Paris, début décembre, à l’occasion d’une rétrospective. « Nous sommes à une époque où les stars naissent en un jour et, une semaine après, ont déjà disparu. » Ce n’est pas le cas de Montand. Dont les jeunes connaissent La Folie des grandeurs, rappelle Costa-gavras que l’on n’imaginait pas en fan : « Un très beau film de Louis de Funès, qui nous a fait beaucoup rire ».
« Montand m’a libéré »
Si le public est attiré par la comédie, le drôle d’attelage entre ces deux acteurs reste hautement improbable, et c’est sans doute l’une des raisons du succès, observe le réalisateur. « Deux individus opposés sur le plan artistique, d’une certaine manière, mais de grande qualité, chacun dans son domaine. Le mariage qu’a fait Gérard Oury, c’est un peu cela. Montand a hésité un moment, puis a fini par accepter, content de tourner avec De Funès.
Les grands entre eux, réunis par moments, cela donne des choses intéressantes. » Compartiment tueurs, Z et L’aveu. Costa-gavras s’étonne : « Dans Z, Montand n’apparaît qu’une dizaine de minutes alors que le film dure près de deux heures. On se souvient de lui. Parce que c’est un grand, justement ! Quant à
L’aveu, c’était un peu sa vie. Il s’est donné à fond, en montrant toutes ses capacités. Un grand acteur dramatique, comme il a été un grand acteur comique dans La Folie des grandeurs .» Difficile de résumer trente années d’amitié. « Nous avons eu beaucoup d’aventures au cinéma. Des aventures qui ont eu du succès. Mais l’un de mes meilleurs souvenirs est lié à mon premier film, qui est donc Compartiment tueurs. J’avais décidé de commencer par tourner une scène avec Simone et lui, ensemble. À la fin de la journée, Montand est allé voir les producteurs et leur a dit de me laisser faire ce que je voulais. Évidemment que pour un premier film, ceux-là se méfiaient et se mêlaient de tout, surtout avec deux grosses stars, ils m’avaient imposé des tas de choses, même le monteur. Autrement dit, Montand m’a libéré. »
« Alors petit, ça va, en ce moment ? »
Cette amitié s’épanouissait le week-end à Autheuil, en Normandie. « Arrivant de Grèce, je découvrais des mouvements et des tendances très solides, en France, mais Montand, Semprún, Chris Marquer parlaient avec passion, sans se fanatiser. Voilà une chose qu’auprès d’eux, j’ai apprise. »
Montand Président ? Cette fois, il rit. « Ça m’a beaucoup amusé. C’était fou. Je pense que c’est une proposition qui l’a tout de même intéressé. Ce qu’on ne dit pas souvent, c’est qu’il a été l’unique acteur, chanteur français, mondial je dirais, qui a dîné avec Khrouchtchev et toute la direction soviétique, mais aussi, plus tard, avec Kennedy. Ce schéma explique beaucoup de choses. Mais ne faisait pas automatiquement de lui un Président. »
Et cette photo d’un éclat de rire à la Colombe… « J’allais le voir souvent quand j’étais dans le Midi, ma femme étant Niçoise. Nous nous voyions beaucoup à Paris, aussi. Entre nous, avec Simone, mais aussi avec Jorge Semprún, parfois avec le réalisateur Chris Marquer. Cette photo, Montand me l’a envoyée un jour, collée sur un bout de papier, avec cette légende : “Alors petit, ça va, en ce moment ?” Il m’appelait “petit” avec une certaine tendresse, je pense. »
Et enfin le charme, la séduction. « Il était gentil avec tout le monde. Quand on marchait dans la rue, les gens l’approchaient très facilement, ce n’était pas encore l’époque des selfies, mais on lui demandait de dédicacer un livre, de signer sur un bout de papier. Et quand quelqu’un avait quelque chose à lui dire que Montand jugeait intéressant, il pouvait rester un moment à bavarder, c’était formidable. »