« Des tas de suspicions, d’espoirs, de désespoirs »
En 30 ans, la vérité n’a jamais éclaté. Pistes, témoignages et divers interrogatoires n’ont jamais rien donné. Annie Audoye, la mère de Marie-hélène, qui vivait à ne baisse pas les bras.
La sonnerie du téléphone fixe retentit dans l’appartement d’annie Audoye. Elle décroche… Nous sommes le mercredi 22 mai 1991. C’est Stephen, le petit ami de Marie-hélène avec qui elle vit depuis peu dans un appartement à Cagnes-sur-mer. Ils se fréquentent depuis longtemps même si, lui, l’a trompée bien des fois, semble-t-il. Il lui indique que sa fille n’a pas donné de nouvelles à son travail, elle qui est partie en tournée commerciale la veille. Marie-hélène devait rentrer le vendredi, mais la sublime brune aux yeux verts n’est jamais revenue. Pour ses parents, c’est le début d’un long combat et d’une interminable attente. Depuis 30 ans, Annie cherche à connaître la vérité. Se réfugie dans l’espoir. Inlassablement.
« Plusieurs fois par jour, je vais sur Internet. J’ai mis Mariehélène Audoye en favoris ainsi que plusieurs médias. Je regarde s’il y a de nouveaux articles sur elle. S’il y a des nouvelles découvertes, comme les 700 voitures dans le canal EDF de la Durance en juillet. Des découvertes de vestiges humains. » Elle reprend péniblement. « On n’a rien de concret. On n’a retrouvé ni sa voiture, ni son corps. Je suis passée par des tas de suspicions, d’espoirs, de désespoirs. Je pense qu’elle est morte, mais j’espère qu’elle est vivante. La vie est aussi faite de choses extraordinaires. Tout peut arriver. »
Hélicoptère, sonar, affiches…
Les parents pensent tout d’abord à un accident de la route. Ils vont signaler sa disparition dans les commissariats d’antibes et de Cagnessur-mer. Une Recherche dans l’intérêt des familles (RIF) est dans un premier temps lancée. Jacques, aidé d’amis, de connaissances, inspecte les parkings de la Côte d’azur pour retrouver la Renault
Super 5 blanche immatriculée 5023 VD 92, descend dans des ravins, sillonne les routes qu’elle aurait pu emprunter. Annie, de son côté, fouille l’appartement, loue un hélicoptère, achète un sonar. Fait imprimer des centaines d’affiches. Va à la banque. Demande aux enquêteurs de vérifier les appels du téléphone fixe de Marie-hélène. Parle de la disparition à tout le monde dans l’espoir de recueillir un témoignage.
Elle ira jusqu’en Espagne, accompagnée d’un garde du corps. En Italie aussi. Annie ouvre une ligne qui existe encore aujourd’hui (1). Elle engagera deux détectives privés qui ne lui apprendront rien de plus que ce qu’elle sait déjà. « J’ai cherché, je me suis glissée dans les pas de notre fille, fréquentant bars et restaurants à la mode et sorties de boîtes de nuit où elle, comme beaucoup de jeunes de son âge, allait. »
La dernière fois que la jeune femme a été vue, c’était le mardi, à Monaco, dans une pharmacie. Elle devait récupérer un chèque qu’elle n’a pas eu, et s’en est allée en laissant un mot : « Je repasse la semaine prochaine, bisous, Marie-hélène. »
Une fugue ? Ses parents n’y pensent pas une seule seconde. Une fugue amoureuse ? Non plus.
Infidélité et jalousie
L’infidélité, la jalousie… clés du mystère ? La police judiciaire de Nice piétine, l’enquête s’enlise. La piste de la prostitution est largement explorée. Un certain Claude est inculpé et placé en détention provisoire. Ainsi que Daniel Messinger, un homme d’affaires suisse défavorablement connu des services de police, que l’on soupçonne de proxénétisme et d’avoir enlevé Marie-hélène. Il sort de prison six mois plus tard. Les parents demandent le dessaisissement immédiat du service d’enquête en 1996. Les militaires de Marseille reprennent l’affaire et repartent à zéro. Ils s’intéressent à l’entourage proche de la disparue. Notamment à Stephen et à l’une de ses maîtresses, Évelyne. « C’est une femme très intelligente, commente Annie. Elle trempait dans plein d’affaires et avait même fait de la prison. Elle avait aussi été entendue dans le cadre d’une enquête pénale suite à l’exécution d’un criminel corse à Paris. Elle entretenait Stephen et était très jalouse de ma fille. »
Garde-meubles perquisitionnés
Un jour, elle s’était introduite dans l’appartement du couple pour y déposer une barrette et un rouge à lèvres dans la salle de bains.
Deux garde-meubles à Nice sont perquisitionnés, Évelyne les avait loués sous un faux nom. La police y découvre un agenda lui appartenant datant de 1991. La page du 21 mai est soulignée de deux traits. La négociatrice immobilière dira aux enquêteurs qu’elle se trouvait à Paris ce jour-là. Faux, un ticket de restaurant édité à Saint-laurentdu-var prouve le contraire. Évelyne et Stephen se sont téléphoné ce fameux 21 mai 1991, mais personne ne saura ce qu’ils se sont dit. Une coupure de presse parlant de la disparition de la jeune femme est également trouvée dans l’un des garde-meubles. Évelyne nie tout en bloque. Elle dira que quelqu’un tente de lui faire porter le chapeau. L’interrogatoire ne donnera rien.
Et puis, il y a le témoignage d’une voisine, qui dit avoir vu Marie-hélène l’après-midi de sa disparition en compagnie d’une femme blonde. Mais rien ne prouvera que Marie-hélène est revenue sur ses pas après s’être rendue à Monaco. Un détenu a également évoqué un « contrat » exécuté à Beausoleil, tout près de Monaco, mais ne dira rien de plus par peur «des représailles ».
De nouvelles demandes au parquet de Grasse
Annie et son mari ont remué ciel et terre. Malgré tout, des regrets, il y en a, et depuis 2011, Jacques n’est plus là. Deux ans après sa disparition, l’instruction est clôturée.
L’avocate de la famille, Maître Sophie Jonquet, a fait plusieurs demandes au parquet de Grasse : que le numéro d’immatriculation du véhicule de sa fille soit inscrit dans le fichier des voitures recherchées ; que L’ADN des parents soit enregistré dans la base de données mondiale d’interpol ; et enfin que l’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) se saisisse du dossier.
La vie est aussi faite de choses extraordinaires ”