Nice-Matin (Cannes)

« Aucune autre possibilit­é que la culpabilit­é d’omar »

Me Henri Leclerc, avocat de la famille Marchal lors du procès d’assises en 1994, reste convaincu que la justice a condamné le vrai coupable. Et que la demande de révision n’y changera rien.

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M «a conviction n’est pas entamée. » Trente ans de débats autour du crime de Mougins n’ont pas fait changer d’avis Me Henri Leclerc. À 87 ans, le célèbre pénaliste vient de raccrocher la robe, après 65 ans de carrière. L’affaire Raddad est l’une des rares où il a plaidé côté partie civile. Et selon lui, la justice ne s’est pas trompée de coupable.

Henri Leclerc a porté la souffrance de la famille de Ghislaine Marchal, par amitié envers elle, lors du procès d’assises en 1994. Un rôle inattendu pour celui qui deviendra l’année suivante président de la Ligue des droits de l’homme. Il faisait face à un autre ténor : Jacques Vergès.

Aujourd’hui, Henri Leclerc ne souhaite pas s’immiscer « dans une procédure en cours », sachant qu’il n’en « est pas chargé ». Cette figure des prétoires livre néanmoins son précieux éclairage.

Cette requête en révision, est-ce un rebondisse­ment de plus dans cette affaire qui en est déjà riche ?

Il y a eu tant de rebondisse­ments ! À l’époque, on a dit qu’il y avait devant la maison un paquet de bâtons ensanglant­és, que le mari de la femme de ménage aurait été un voyou, on a même dit qu’elle [Ghislaine Marchal,

Ndlr] faisait partie de la secte du Temple solaire…

À chaque fois, c’est tombé à l’eau. Il y a déjà eu des histoires D’ADN, et beaucoup d’experts. Et aucun d’entre eux n’aurait

Vous restez convaincu qu’omar Raddad est bien l’assassin ?

Depuis le début, je pense qu’il n’y a aucune autre possibilit­é que celle de la culpabilit­é d’omar. Je ne parle pas des charges secondaire­s, comme le fait qu’il jouait au casino, ou qu’il réclamait toujours de l’argent à Mme Marchal. Personne ne comprend pourquoi Omar aurait été mis en cause dans une mise en scène. Ensuite, la porte de la cave a été bloquée de l’intérieur. Me Girard [l’un des avocats d’omar Raddad avant le procès, Ndlr] a essayé de la bloquer de l’extérieur pendant la reconstitu­tion ; il n’y est jamais parvenu. Et puis, le tueur aurait une imaginatio­n diabolique ! Il réussit à faire la première inscriptio­n à la hauteur d’une femme à genoux, puis une deuxième, avec une trace de main qui glisse et à laquelle il manque une phalange – précisémen­t la phalange blessée… Il faut avoir du génie ! Tout cela fait que ma conviction n’est pas entamée.

Trouveriez-vous néanmoins logique que la Cour de révision ordonne un supplément d’expertise, au vu des nouveaux ADN découverts sur les portes ?

Je pense que dans une affaire pareille, elle va ordonner une expertise. Mais ce n’est pas pour cela que ça change quoi que ce soit ! Personne n’a jamais invoqué l’idée qu’omar Raddad aurait touché ces portes.

J’ai toujours dit que Mme Marchal avait bien fait ces inscriptio­ns. C’est la charge essentiell­e.

Et je ne vois pas pourquoi elle aurait accusé [à tort]

Omar Raddad.

Et la fameuse faute d’accord sur le participe passé de

«tuer»?

La faute d’orthograph­e, c’est une faute très classique. Je l’ai trouvée dix fois dans le dossier !

Ghislaine Marchal a-t-elle pu agir sous la contrainte, comme l’a suggéré la défense ?

Ça ne tient pas debout. Cette idée a été totalement abandonnée.

Comment sa famille vit-elle ce drame depuis trente ans ?

Ils ont énormément souffert. Quand vous perdez une mère ou une soeur dans de telles conditions, il est évident que vous êtes bouleversé, que vous soyez riche ou pauvre. Ces gens ont vu ajouter à leur douleur, à leur détresse, les « travaux » dérisoires des détectives…

Selon vous, on ne reviendra jamais sur le verdict de 1994 ?

Pour moi, cela reste l’intime conviction de la cour d’assises. C’est la mienne, cela a été celle des jurés et des magistrats. Si on fait un jour la démonstrat­ion scientifiq­ue que ce n’est pas lui, je serai surpris, c’est tout.

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