Indemnité Covid : 175 000 € versés à une société fictive
Un Niçois a été condamné à deux ans de prison ferme pour avoir perçu une indemnité de l’état pour compenser les pertes d’une société bidon, en déclarant en chômage partiel des salariés fantômes.
Le « quoi qu’il en coûte » du président de la République n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. L’état n’a pas été très regardant quand il a fallu compenser les pertes de chiffres d’affaires liés aux confinements. La volonté du pouvoir de parer au plus pressé a été mise à profit par certains escrocs. A posteriori, la justice découvre l’étendue des fraudes. L’affaire examinée vendredi par le tribunal correctionnel de Nice risque d’en appeler d’autres.
« Mieux que Neflix »
À Nice, la société Badin Renov, forte de vingt-six salariés soidisant en chômage partiel, a ainsi demandé au Trésor public 490 000 euros d’indemnités. En réalité, l’entreprise, créée en 2019 par Mohamed Longhami, 28 ans, n’a pas d’activité. Elle n’est qu’une simple boîte aux lettres sans le moindre employé. Elle est parvenue à percevoir 378 000 euros d’indemnités avant que Tracfin, l’organisme de contrôle des transactions financières de Bercy, ne sonne l’alerte.
Une partie de l’argent a été récupérée mais Mohamed Longhami, officiellement commercial dans l’automobile, est accusé d’avoir empoché indûment 175 000 euros. C’est du moins la conviction du service d’investigation des douanes et du parquet. Et depuis vendredi soir, celle du tribunal correctionnel présidé par Marion Menot. « Je conteste l’intégralité des faits », a répété le jeune homme. Vendredi soir, il a été reconnu coupable et condamné à trente mois de prison, dont six avec sursis. Il devra en outre s’acquitter d’une amende de 100 000 euros et le Trésor public lui demandera également des comptes.
À l’instar des affaires similaires qui fleurissent un peu partout en France, l’argent détourné a été immédiatement placé sur des comptes à l’étranger. « Un documentaire sur Netflix, Les Rois de l’arnaque, connaît un immense succès, souligne le procureur, Thibault Rossignol. J’ai envie de dire aux Français : “Éteignez la télé et venez au tribunal correctionnel de Nice. On a mieux avec M. Longhami” .» La simplicité de la méthode inquiète le procureur, qui souligne néanmoins la prudence de M. Longhami : « Il utilise des écrans de fumée, usurpe des identités pour se dissimuler. Avec des pseudonymes, des faux documents, des communications cryptées, des comptes à l’étranger, il complexifie l’enquête. Et un certain nombre de personnes se sont retrouvées en garde à vue à cause de lui. »
Il blanchit l’argent via le commerce de voitures haut de gamme
Les douanes reprochent aussi au prévenu de s’être servi de cet argent pour acheter des voitures haut de gamme en Allemagne pour les revendre en France. Un blanchiment en règle plutôt efficace. Lors de la perquisition, les enquêteurs ont saisi à peine 4 000 euros… La présidente tente d’obtenir des explications sur certains faits troublants : « Un faux a servi à déposer 10 000 euros de capital social sur l’une de vos sociétés. Comment l’expliquez-vous ? » « J’avais perdu une pochette avec ce document à l’intérieur », répond le prévenu. Qui ajoute avoir perdu ce même jour une photo d’identité. Celle qui a permis d’ouvrir un compte bancaire sous un faux nom. Quant à son téléphone qui se retrouve régulièrement en Allemagne ? « Ce téléphone, je l’ai acheté et revendu aussitôt. Je ne l’ai jamais utilisé. » Des explications un peu courtes de l’avis du procureur Thibault Rossignol, qui frappe fort. Il requiert cinq ans de prison dont quatre ferme. Il s’explique : «Ilfaut douze années de travail payé au Smic pour atteindre 175 000 euros, c’est dire cette fraude et l’impact pour le contribuable. Monsieur s’est enrichi, pas question qu’il récupère cet argent. » Une amende du montant du détournement et une interdiction de gérer sont également demandées.
Victime en garde à vue
Si l’état a été floué, un Azuréen, Pierre B., dont l’identité a été usurpée par le prévenu, s’est retrouvé huit heures en garde à vue, menottes aux poignets. Une expérience désagréable pour laquelle il demande un dédommagement à hauteur de 3 000 euros.
En défense, Me Pierre Chami ironise sur cette enquête douanière : « 1 300 pages, 1 300 coups de pinceaux. C’est de l’impressionnisme. On se balade du possible au vraisemblable en passant par le plausible. On fait des déductions d’éléments épars ? En revanche, où sont les investigations de terrain ? »
L’avocat reproche au parquet l’absence d’un juge d’instruction dans ce dossier examiné dans le cadre d’une comparution immédiate. « On est dans la preuve molle, mais on réclame cinq ans de prison. On est dans le spectaculaire », dénonce l’avocat, peu aidé par le mutisme de son client.