Nice-Matin (Cannes)

« Notre objectif : zéro sida en 2030 dans les A.-M. »

Le Départemen­t des Alpes-maritimes et le centre LGBTQIA + Côte d’azur ont ouvert, à Nice, le « 8 Baquis », un centre de santé sexuelle pilote dans le combat contre le VIH. Explicatio­ns.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin.fr

Ne rien lâcher face au sida. Pour continuer de faire régresser l’épidémie, qui a tué plus de 36,3 millions de personnes dans le monde, le Départemen­t et le centre LGBTQIA + (lesbienne, gay, bi, trans, queer, intersexe, asexuel et +) innovent : ils viennent d’ouvrir le « 8 Baquis » (au 8, avenue Baquis, une rue parallèle à Jean-médecin, à Nice), un centre de santé sexuelle pilote. Les explicatio­ns d’erwann Le Hô, président du centre LGBTQIA + Côte d’azur, à l’origine de ce projet unique en France.

Où en est l’épidémie de sida dans les Alpes-maritimes ?

Entre 2015 et 2018, on a pu faire baisser le nombre de nouvelles infections VIH de 40 % dans le départemen­t. Un excellent résultat pour notre territoire : sur le même laps de temps, à l’échelle nationale, le nombre de nouvelles contaminat­ions n’a baissé que de 7 à 8 % en moyenne. Mais rien n’est gagné. L’idée, c’est de continuer à avancer. Notre objectif, c’est zéro sida en 2030.

Comment y parvenir ?

L’épidémie s’écroule ou baisse sur certains profils de population, mais elle se maintient voire progresse sur d’autres. Un homo blanc, qui a des papiers et qui travaille, comme moi, a les outils pour se protéger. Ce n’est pas forcément le cas pour les population­s les plus stigmatisé­es, les personnes trans, les migrants, les personnes pauvres. Ou encore les jeunes ou les seniors, qui divorcent et se lancent dans une nouvelle vie sexuelle. Il faut les sortir de la précarité de santé, faire de la dentelle en termes de prévention.

Quels sont les outils de la prévention ?

Le préservati­f, évidemment, mais aussi la Prep. C’est une capote chimique, une pilule à prendre avant un rapport non protégé, qui permet aux personnes qui n’ont pas le VIH et qui ont des rapports avec des personnes séropositi­ves d’éviter de se faire contaminer. Ça sauve des vies. Cela concerne, par exemple, les prostituée­s quand elles n’ont pas les moyens de contraindr­e leur client à utiliser un préservati­f. En France, ce traitement est pris en charge par la sécurité sociale. La Prep, c’est l’outil principal pour préserver les population­s. La Prep est plus utilisée dans les Alpesmarit­imes qu’ailleurs, mais cela reste insuffisan­t.

Il faut démocratis­er ce médicament, qui est une des clefs de la lutte contre la maladie.

Oui, mais pas seulement.

À tout moment de la journée, il sera possible de faire un dépistage du VIH, des hépatites et des IST ou d’obtenir un traitement post-exposition. Ce centre veut raccrocher des personnes qui ont été exclues du système de santé. Il fonctionne­ra avec des spécialist­es formés à la santé LGBT : des infectiolo­gues, des gynécos, des dermatos, des addictolog­ues, des psys, des proctologu­es, etc. La formation, c’est essentiel. Beaucoup d’hommes trans, par exemple, gardent leur appareil génital féminin, et certains gynécos ne sont pas préparés à ça et font parfois des remarques désobligea­ntes. Cela crée des traumatism­es et éloigne parfois ces publics du parcours de santé.

Au « 8 Baquis », tous les profession­nels sont non jugeant sur la sexualité gay. L’accueil est respectueu­x et bienveilla­nt.

C’est un centre unique en France ?

C’est un dispositif pilote expériment­al inspiré de la clinique londonienn­e

« 56 Dean Street », qui existe depuis des années et qui a montré son efficacité : les nouveaux cas de contaminat­ion ont baissé de 80 %.

Le « 8 Baquis » sera testé pour un an. Il s’appuie sur le Cegidd (Centre gratuit d’informatio­n et de dépistage et de diagnostic) de Nice, coordonnée par le Départemen­t, qui est ouvert quatre jours par semaine. Le « 8 Baquis » est cofinancé par le conseil départemen­tal, le centre LGBTQIA + et des labos qui croient en ce nouveau dispositif. Il fonctionne­ra le vendredi de 11 heures à 21 heures, à des horaires volontaire­ment décalés.

Ce sera le rôle de ce nouveau centre ?

« Le 8 Baquis », 8 avenue Baquis, à Nice. Tous les vendredis, de 11 heures à 21 heures. Tél. : 04 89 04 55 60.

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(Photo Eric Ottino) Erwann Le Hô, président du centre LGBTQIA + depuis 2016, multiplie les initiative­s pour lutter contre l’épidémie de sida.

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