Nice-Matin (Cannes)

Face aux suicides, la police mise sur ses « Sentinelle­s »

Ces policiers spécialeme­nt formés sont chargés de repérer leurs collègues fragilisés. Douze fonctionna­ires se sont déjà donné la mort depuis le 1er janvier.

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Mickaël H., 50 ans, brigadierc­hef à la police aux frontières (PAF) de l’aéroport Roissy-charles-de-gaulle, s’est donné la mort dimanche dernier dans son pavillon de Saint-martin-longueau (Oise). Il est le dernier de la liste déjà longue des policiers qui ont mis fin à leurs jours depuis le début de l’année. Douze au total : onze hommes et une femme. Deux de plus qu’en janvier de 2019, dernière année noire dans l’institutio­n avec 59 suicides. En moyenne, entre 30 et 60 fonctionna­ires de police mettent fin à leurs jours chaque année.

Pour lutter contre ce fléau, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a reçu vendredi les syndicats et associatio­ns spécialisé­es, en présence du directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux. Il a notamment annoncé le lancement d’une mission confiée à l’inspection générale de l’administra­tion (IGA) pour renforcer « la médecine de prévention » et le « réseau de psychologu­es » de la police.

Gérald Darmanin doit également envoyer la semaine prochaine un courrier à tous les policiers pour leur témoigner son « soutien » et appeler l’encadremen­t à la « vigilance » face aux « signaux faibles de ces situations ».

Le DGPN, « impliqué pour que les choses changent » selon un connaisseu­r du dossier, avait déjà réuni le 20 janvier les acteurs concernés. Une décision a déjà été prise : accélérer le déploiemen­t des « Sentinelle­s », des policiers formés à la détection des difficulté­s de leurs collègues.

« Cela peut être quelqu’un qui va être plus discret, un peu plus négligé, fatigué, qui va perdre du poids, être cynique et faire des allusions à des intentions suicidaire­s, ou avoir des retards inhabituel­s », détaille l’une de ces « Sentinelle­s ».

« Essayer de nouveaux chemins »

Une première phase expériment­ale a permis d’en former 41 en 2021. L’objectif est de disposer d’un vivier de près de 2 000 de ces policiers à la fin de l’année. « Aidantes par nature », ces personnes sont choisies parce qu’elles occupent un « rôle visible », «aucoeur» de leur service, «soitau secrétaria­t, soit parce qu’elles sont chefs d’une brigade, soit parce qu’elles font partie des plus anciens », précise la « Sentinelle ».

« Cela fait vingt-cinq ans qu’on a 45 suicides par an en moyenne, il est temps d’essayer de nouveaux chemins » ,exhorte le porte-parole de « PEPS-SOS Policiers en détresse », Christophe Girard. L’associatio­n, composée de 26 policiers, a reçu plus de 6 000 appels d’agents l’année dernière.

Frédéric Veaux lui a donné le « feu vert », dit M. Girard, pour se rendre au printemps au Canada, un pays pionnier dans la prévention du suicide dans la police. Grâce à ses « Sentinelle­s », la police de Montréal avait réduit de 79 % le nombre de suicides dans ses rangs entre 1997 et 2008, alors ramené à seulement quatre cas. Gérald Darmanin a aussi annoncé l’arrivée de vingt psychologu­es supplément­aires au sein du service de soutien psychologi­que opérationn­el (SSPO), portant leurs effectifs à 120 pour les 145 000 policiers de France.

 ?? (Photo AFP) ?? Des policiers rendant hommage à l’un de leurs collègues s’étant donné la mort, le 20 avril 2019 à Montpellie­r.
(Photo AFP) Des policiers rendant hommage à l’un de leurs collègues s’étant donné la mort, le 20 avril 2019 à Montpellie­r.

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