« Nous, on n’a pas le droit de dire que ça ne va pas » : le témoignage d’une policière qui a échappé au suicide
À une époque pas si lointaine, Fanny
aurait pu se rajouter à cette liste (1) macabre. Aujourd’hui, c’est elle qui répond au téléphone quand ses confrères sont en détresse, en tant que modératrice pour l’association PEPSSOS Policiers en détresse.
Depuis bientôt trois ans, cette association aide, écoute et oriente les policiers ou leur famille qui en ont besoin. L’an dernier, ces fonctionnaires de police bénévoles ont répondu à plus de 6 000 appels. « Je n’imaginais pas un tel mal-être dans la profession », assure-t-elle.
Le sien l’a pourtant conduit à plusieurs tentatives de suicide ces dernières années. La police, c’était sa vocation. « Dès toute petite, je savais que je voulais faire ce métier. » Si elle a épousé la fonction un peu tard, elle a vite été amenée à travailler dans plusieurs commissariats, toujours en région parisienne. Avant de gravir les échelons, sur le terrain, pour devenir officier de police judiciaire.
« J’avais déjà eu quelques alertes », concède-t-elle. « Des traumatismes personnels auxquels se sont rajoutés des traumatismes professionnels, avec des interventions qui m’ont marquée. » Rien de comparable et notable avec ce qu’elle va vivre par la suite quand elle intègre, en 2015, un service spécialisé.
« J’ai commencé à plonger dans l’alcool »
Là, une intervention, sur laquelle elle ne souhaite pas s’étendre, va la marquer durablement. « Je ne m’en suis pas rendu compte de suite, mais j’ai buggé. Je n’ai aucun souvenir du jour de l’intervention. Un black-out complet. » À partir de ce jour-là, elle commence à plonger dans l’alcool. « C’est venu progressivement. C’était ma manière de décompresser. » Sans forcément en prendre conscience. Un soir d’avril 2016, les médicaments viennent se rajouter à l’alcool. « C’était ma première tentative de suicide, mais c’était surtout un appel au secours. » Un appel qui restera lettre morte. Elle encaisse. Garde tout pour elle. « Tout cela n’a pas eu de répercussion sur mon travail. De toute façon, pendant deux ans, je n’ai pas arrêté de travailler. »
« Quand on est policier, on doit garder la tête haute Vous savez, on intervient quand cela ne va pas pour les citoyens. Nous, on n’a pas le droit de dire que cela ne va pas ».
En 2018, elle demande une nouvelle mutation. Elle intègre la police judiciaire parisienne : « La plus grosse erreur de ma vie. » Les souvenirs des interventions passées, qui ressurgissent, et la menace terroriste permanente lui « font péter les plombs ». Nouvelle tentative de suicide. Elle s’en sort.
Nous sommes en 2019 et, sans trop se rappeler comment – « au détour d’une page Facebook » –, elle tombe sur PEPS-SOS Policiers en détresse et ses bénévoles.
« Ils m’ont sauvée »
« Ils n’aiment pas que je dise cela, mais ils m’ont sauvée. Je me suis sauvée aussi, car j’ai travaillé sur moimême pour m’en sortir. » Une hospitalisation en clinique, une cure de sevrage et un suivi psychologique et psychiatrique font que, semaine après semaine, l’heure de la reprise se rapproche.
C’est pour cela qu’elle tient aujourd’hui à être aidante à son tour. Pour les fonctionnaires, il existe pourtant le Service de soutien psychologique opérationnel, le SSPO. « Ils font un travail énorme, mais ils ne sont pas assez nombreux. Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas, mais ils ne peuvent pas. » « Aujourd’hui, ce qui m’impressionne », conclut-elle, « c’est le nombre de collègues qui me disent vouloir démissionner, alors qu’ils sont rentrés par vocation ». Comme elle.
1. Le prénom a été modifié.