Nice-Matin (Cannes)

Cancer du sein ET RADIOTHÉRA­PIE : LE COEUR À L’ABRI

Le traitement par rayons X d’une lésion tumorale au niveau du sein gauche peut induire des séquelles cardiovasc­ulaires tardives liées à l’irradiatio­n (involontai­re) du coeur. Un dispositif prévient ce risque.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

L’apparition de troubles du rythme, d’un syndrome coronarien, voire la survenue d’un infarctus des années, parfois des décennies après avoir été traitée par radiothéra­pie pour un cancer du sein : le risque – pourtant largement documenté (lire interview ci-dessous) – est méconnu par les premières concernées. Soit ces milliers de femmes chez lesquelles un cancer du sein est diagnostiq­ué, et qui doivent subir une mastectomi­e partielle (ablation de la tumeur) systématiq­uement suivie de l’administra­tion d’une radiothéra­pie. Comment expliquer ce risque ? Et surtout peut-on le prévenir ? « Chez certaines personnes, le coeur vient « mouler » la paroi thoracique ; lorsque l’on irradie des tumeurs localisées au niveau du sein gauche, avec des faisceaux tangents à la paroi du thorax, il est parfois difficile d’épargner totalement le coeur, situé juste derrière ; de petites zones au niveau du ventricule gauche le plus souvent, sont également irradiées, ainsi que l’artère interventr­iculaire antérieure. Il a été clairement montré que le risque d’infarctus et de maladie cardiovasc­ulaire dans les 15 à 20 ans suivant ce traitement était alors sensibleme­nt augmenté, d’autant plus que la patiente souffre par ailleurs d’autres pathologie­s cardiovasc­ulaires comme un diabète ou une hypertensi­on », expliquent les Drs Nathalie Pinto, Charles-henry Canova et François Fauchon, onco-radiothéra­peutes au CHE (Centre de haute énergie) à Nice.

Près d’un demimillio­n d’euros d’investisse­ment

Dans ce contexte, les spécialist­es de la discipline réfléchiss­ent depuis des années aux solutions à mettre en oeuvre pour prévenir le risque de séquelles cardiovasc­ulaires tout en garantissa­nt les soins de radiothéra­pie essentiels à la guérison. « L’inspiratio­n bloquée, en éloignant le coeur de la paroi thoracique (lire par ailleurs) permet de le protéger de l’irradiatio­n. Le problème, c’est qu’il est bien sûr impossible pour une patiente, qui plus est en situation de stress, de bloquer sa respiratio­n deux minutes d’affilée, soit le temps du traitement. Il fallait un système sécurisé, lui permettant de réaliser 2, 3 ou 4 inspiratio­ns successive­s. »

Ce système a un nom : Vision RT (d’autres dispositif­s, similaires, sont sur le marché). Le CHE a ainsi choisi d’investir il y a un an près d’un demi-million d’euros dans l’acquisitio­n de ce système qui permet d’administre­r la dose adaptée de rayons en protégeant le coeur et sans contrainte pour la patiente traitée. Le principe est simple : « Préalablem­ent au traitement, un examen scanner est réalisé, au cours duquel la patiente doit bloquer son inspiratio­n pendant 30 secondes. Grâce à un système de caméra infrarouge, des calculs de position sont réalisés qui vont permettre lors des séances ultérieure­s de radiothéra­pie de suspendre instantané­ment les rayons lorsque la patiente reprend sa respiratio­n. Dès qu’elle bloque à nouveau l’inspiratio­n, un voyant vert lui indique qu’elle est bien positionné­e – le coeur à distance de la cage thoracique – et la séance peut reprendre. » La machine peut distribuer les rayons sur le sein, et le sein uniquement.

Pas besoin de tenir en apnée

Jusqu’à présent, les principale­s limites au déploiemen­t de ce dispositif résidaient dans les efforts demandés aux équipes – séances plus longues, et ardues – mais aussi aux patientes, qui devaient apprendre à tenir en apnée.

Avec ce nouveau dispositif totalement sécurisé et automatisé, ces freins sont levés. Rien ne justifie donc plus que les femmes soignées pour un cancer du sein gauche et chez lesquelles le coeur et le sein sont accolés ne voient leurs décennies d’espérance de vie gagnées compromise­s par la survenue d’une maladie cardiovasc­ulaire… évitable.

« Le traitement s’arrête lorsque la patiente reprend sa respiratio­n »

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