Cancer du sein ET RADIOTHÉRAPIE : LE COEUR À L’ABRI
Le traitement par rayons X d’une lésion tumorale au niveau du sein gauche peut induire des séquelles cardiovasculaires tardives liées à l’irradiation (involontaire) du coeur. Un dispositif prévient ce risque.
L’apparition de troubles du rythme, d’un syndrome coronarien, voire la survenue d’un infarctus des années, parfois des décennies après avoir été traitée par radiothérapie pour un cancer du sein : le risque – pourtant largement documenté (lire interview ci-dessous) – est méconnu par les premières concernées. Soit ces milliers de femmes chez lesquelles un cancer du sein est diagnostiqué, et qui doivent subir une mastectomie partielle (ablation de la tumeur) systématiquement suivie de l’administration d’une radiothérapie. Comment expliquer ce risque ? Et surtout peut-on le prévenir ? « Chez certaines personnes, le coeur vient « mouler » la paroi thoracique ; lorsque l’on irradie des tumeurs localisées au niveau du sein gauche, avec des faisceaux tangents à la paroi du thorax, il est parfois difficile d’épargner totalement le coeur, situé juste derrière ; de petites zones au niveau du ventricule gauche le plus souvent, sont également irradiées, ainsi que l’artère interventriculaire antérieure. Il a été clairement montré que le risque d’infarctus et de maladie cardiovasculaire dans les 15 à 20 ans suivant ce traitement était alors sensiblement augmenté, d’autant plus que la patiente souffre par ailleurs d’autres pathologies cardiovasculaires comme un diabète ou une hypertension », expliquent les Drs Nathalie Pinto, Charles-henry Canova et François Fauchon, onco-radiothérapeutes au CHE (Centre de haute énergie) à Nice.
Près d’un demimillion d’euros d’investissement
Dans ce contexte, les spécialistes de la discipline réfléchissent depuis des années aux solutions à mettre en oeuvre pour prévenir le risque de séquelles cardiovasculaires tout en garantissant les soins de radiothérapie essentiels à la guérison. « L’inspiration bloquée, en éloignant le coeur de la paroi thoracique (lire par ailleurs) permet de le protéger de l’irradiation. Le problème, c’est qu’il est bien sûr impossible pour une patiente, qui plus est en situation de stress, de bloquer sa respiration deux minutes d’affilée, soit le temps du traitement. Il fallait un système sécurisé, lui permettant de réaliser 2, 3 ou 4 inspirations successives. »
Ce système a un nom : Vision RT (d’autres dispositifs, similaires, sont sur le marché). Le CHE a ainsi choisi d’investir il y a un an près d’un demi-million d’euros dans l’acquisition de ce système qui permet d’administrer la dose adaptée de rayons en protégeant le coeur et sans contrainte pour la patiente traitée. Le principe est simple : « Préalablement au traitement, un examen scanner est réalisé, au cours duquel la patiente doit bloquer son inspiration pendant 30 secondes. Grâce à un système de caméra infrarouge, des calculs de position sont réalisés qui vont permettre lors des séances ultérieures de radiothérapie de suspendre instantanément les rayons lorsque la patiente reprend sa respiration. Dès qu’elle bloque à nouveau l’inspiration, un voyant vert lui indique qu’elle est bien positionnée – le coeur à distance de la cage thoracique – et la séance peut reprendre. » La machine peut distribuer les rayons sur le sein, et le sein uniquement.
Pas besoin de tenir en apnée
Jusqu’à présent, les principales limites au déploiement de ce dispositif résidaient dans les efforts demandés aux équipes – séances plus longues, et ardues – mais aussi aux patientes, qui devaient apprendre à tenir en apnée.
Avec ce nouveau dispositif totalement sécurisé et automatisé, ces freins sont levés. Rien ne justifie donc plus que les femmes soignées pour un cancer du sein gauche et chez lesquelles le coeur et le sein sont accolés ne voient leurs décennies d’espérance de vie gagnées compromises par la survenue d’une maladie cardiovasculaire… évitable.
« Le traitement s’arrête lorsque la patiente reprend sa respiration »