Ehpad : le modèle lucratif sur la sellette
Faut-il les confier au secteur privé lucratif ? Depuis l’éclatement du scandale Orpea, certains politiques et représentants des familles rouvrent le débat.
Plusieurs jours après la sortie du livre choc de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, les voix critiques quant à la gestion par des entreprises privées des Ehpad se multiplient. « Je trouve choquant que sur l’état de faiblesse de nos anciens (...) on puisse faire de l’argent » ,a ainsi dénoncé le président (LREM) de l’assemblée nationale Richard Ferrand. À gauche, l’écologiste Yannick Jadot souhaite, lui, tout bonnement en finir avec « toute nouvelle autorisation d’ehpad privé à but lucratif », afin que la « maltraitance subie dans beaucoup d’établissements ne puisse être un levier de spéculation ».
Le candidat de LFI Jean-luc Mélenchon propose pour sa part de confier les maisons de retraite « à des structures non lucratives qui ne distribuent pas de bénéfices ».
Faire du profit, « c’est leur métier »
Pour Claudette Brialix, qui préside l’organisation de familles de personnes âgées Fnapaef, « la notion de profit et de retour sur investissement est amorale » dans le secteur du grand âge, d’autant que la qualité de la prise en charge n’est pas forcément au rendez-vous.
Rien n’indique toutefois que les maltraitances soient plus fréquentes dans le secteur privé lucratif : il gère environ un quart des établissements et concentre un quart également des quelque 900 réclamations reçues par la Défenseure des droits, Claire Hédon.
Pour l’association AD-PA, qui regroupe des directeurs d’établissements de tous statuts (public, privé lucratif ou non lucratif), «ilya des problèmes dans tous les secteurs », qui s’expliquent principalement par le manque chronique de personnel soignant. Car ce paramètre dépend de dotations publiques calculées en fonction du niveau de dépendance des seniors. En la matière, les Ehpad privés ne sont pas mieux dotés que les publics, ils le sont même légèrement moins.
Pour Claudette Brialix, les particuliers pèchent parfois par « crédulité », en imaginant que leur parent âgé sera choyé dans des établissements coûteux et d’apparence luxueuse, alors que les infirmières et aide-soignantes y sont autant surchargées qu’ailleurs.
Le résident lui, paye un tarif « hébergement » - les prix moyens sont environ 50 % plus élevés dans le privé lucratif que dans le public - qui comprend la restauration, l’animation, l’amortissement du foncier et les aménagements de la résidence.
Dans ce domaine, le décalage est parfois manifeste entre « l’affichage et la réalité », dénonce Claudette Brialix. « Certaines résidences privées ont même une piscine intérieure, mais les personnes âgées n’en profitent presque jamais, faute de personnel pour les y accompagner », raille la responsable associative.
Une procédure contre le groupe Korian
En théorie, les Ehpad privés pourraient puiser dans leurs marges pour embaucher des soignants supplémentaires et aller ainsi au-delà de la dotation que leur accordent les pouvoirs publics. Mais «ils ne le font pas : on ne peut pas s’étonner que des gens qui ont pour objectif de faire du profit fassent du profit. C’est leur métier », raille l’économiste Ilona Delouette, qui a consacré une thèse au financement des Ehpad.
Hier, le Parisien affirmait que l’avocate Sarah Saldmann allait lancer une nouvelle procédure collective, visant cette fois Korian, le premier groupe privé français de maisons de retraite. L’avocate indique avoir recueilli « des dizaines » de témoignages de familles mettant en cause les pratiques de ce groupe privé.