« On espère qu’il n’y aura pas de guerre, mais on s’y prépare »
« On est dans l’angoisse. Dans l’incompréhension. On ne comprend pas s’ils [les Russes] préparent quelque chose ou s’ils cherchent à mettre la pression. On espère qu’il n’y aura pas de guerre... mais on s’y prépare. »
Iryna Podyryako dit son inquiétude, à l’heure où les bruits de bottes résonnent avec insistance aux frontières de l’ukraine. La présidente de l’association francoukrainienne Côte d’azur (Afuca) déploie le drapeau bleu et jaune de son pays, avec ses compatriotes Olena, Ulyana et Kateryna.
Hier à Nice, sur la promenade des Anglais, les quatre femmes livrent leurs regards croisés – et anxieux – sur la crise russo-ukrainienne.
« Lavage de cerveau »
« La situation est très tendue, témoigne Olena Babiy, 49 ans, secrétaire de l’afuca. On espère que Poutine cherche à attirer l’attention pour se mettre à table avec l’europe. Mais il est capable d’aller plus loin à n’importe quel moment. On a l’expérience de 2014... » Il y a huit ans, l’ogre russe annexait la Crimée. Ou la libérait, si l’on adopte le prisme russe. Vladimir Poutine était passé à l’offensive juste après les Jeux olympiques d’hiver... Ce parallèle interpelle Iryna Podyryako.
La guerre ? « On ne l’attend pas, mais tout le monde s’y prépare », résume cette Ukrainienne âgée de 42 ans. Elle habite Cagnes-sur-mer. Sa famille, Kiev. Là-bas, la mairie a passé les consignes : « Avoir une valise de secours prête », « Vous réfugier à tel endroit en cas d’alerte... » Inquiète pour ses proches, elle attend sa mère la semaine prochaine. C’était prévu. C’est désormais bien plus rassurant. Kateryna Andrieieva, pour sa part, « passe (s)on temps à rassurer (s)a famille », exposée au « lavage de cerveau » des médias russes.
Cette Ukrainienne de 31 ans vient du Donbass, région en proie à une guerre de l’ombre depuis 2014. « L’armée ukrainienne est devenue plus puissante aujourd’hui ». Iryna Podyryako acquiesce. «Onse sent aussi beaucoup plus soutenus. Et les gens sont prêts à défendre leur pays. »
Mais Vladimir Poutine veutil vraiment à attaquer l’ukraine ? Sergueï, 52 ans, n’y croit pas. Il vit à Nice depuis 2003. Il est arrivé de Crimée avec un passeport russe et un nom de famille ukrainien. « La mère de toutes les villes russes, c’est Kiev », rappelle-t-il en citant un proverbe russe.
« Poutine, ce brave homme »
Ces deux peuples sont « comme deux cousins ». Sergueï ne serait pas surpris de voir Poutine reprendre « les deux petites républiques indépendantes Lugansk et Donetsk [dans le Donbass], qui sont russes de facto ». Reste qu’à ses yeux, « Poutine joue un grand jeu politique pour gagner en influence et stopper l’élargissement de l’otan ».
Sa crainte ? « Que les Américains mettent le bordel » ,et que l’ukraine se retrouve « entre le marteau et l’enclume », à la croisée de « deux mondes ».
Raïssa, 68 ans, illustre ces divergences. Cette mathématicienne, qui a quitté Odessa pour un Niçois il y a trente ans, vit aujourd’hui à La Collesur-loup. « Je viens d’ukraine, mais je suis russe. » Or, Raïssa ne voit pas les Russes attaquer Kiev. « Ils font des manoeuvres contre l’otan. » Vladimir Poutine ? « Il défend les gens comme moi, les 90 % qui veulent garder la langue russe. Il est diabolisé injustement ! Pour moi, c’est un brave homme. » Pendant que des Ukrainiens clament leur attachement à la Russie, d’autres rejoignent les bataillons de défense territoriale, prêts à prendre les armes en cas d’invasion. Selon Sergueï, à Kiev, l’heure n’est « pas à la panique. Mais il y a quelque chose dans l’air... »
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