Nice-Matin (Cannes)

« On espère qu’il n’y aura pas de guerre, mais on s’y prépare »

- CHRISTOPHE CIRONE

« On est dans l’angoisse. Dans l’incompréhe­nsion. On ne comprend pas s’ils [les Russes] préparent quelque chose ou s’ils cherchent à mettre la pression. On espère qu’il n’y aura pas de guerre... mais on s’y prépare. »

Iryna Podyryako dit son inquiétude, à l’heure où les bruits de bottes résonnent avec insistance aux frontières de l’ukraine. La présidente de l’associatio­n francoukra­inienne Côte d’azur (Afuca) déploie le drapeau bleu et jaune de son pays, avec ses compatriot­es Olena, Ulyana et Kateryna.

Hier à Nice, sur la promenade des Anglais, les quatre femmes livrent leurs regards croisés – et anxieux – sur la crise russo-ukrainienn­e.

« Lavage de cerveau »

« La situation est très tendue, témoigne Olena Babiy, 49 ans, secrétaire de l’afuca. On espère que Poutine cherche à attirer l’attention pour se mettre à table avec l’europe. Mais il est capable d’aller plus loin à n’importe quel moment. On a l’expérience de 2014... » Il y a huit ans, l’ogre russe annexait la Crimée. Ou la libérait, si l’on adopte le prisme russe. Vladimir Poutine était passé à l’offensive juste après les Jeux olympiques d’hiver... Ce parallèle interpelle Iryna Podyryako.

La guerre ? « On ne l’attend pas, mais tout le monde s’y prépare », résume cette Ukrainienn­e âgée de 42 ans. Elle habite Cagnes-sur-mer. Sa famille, Kiev. Là-bas, la mairie a passé les consignes : « Avoir une valise de secours prête », « Vous réfugier à tel endroit en cas d’alerte... » Inquiète pour ses proches, elle attend sa mère la semaine prochaine. C’était prévu. C’est désormais bien plus rassurant. Kateryna Andrieieva, pour sa part, « passe (s)on temps à rassurer (s)a famille », exposée au « lavage de cerveau » des médias russes.

Cette Ukrainienn­e de 31 ans vient du Donbass, région en proie à une guerre de l’ombre depuis 2014. « L’armée ukrainienn­e est devenue plus puissante aujourd’hui ». Iryna Podyryako acquiesce. «Onse sent aussi beaucoup plus soutenus. Et les gens sont prêts à défendre leur pays. »

Mais Vladimir Poutine veutil vraiment à attaquer l’ukraine ? Sergueï, 52 ans, n’y croit pas. Il vit à Nice depuis 2003. Il est arrivé de Crimée avec un passeport russe et un nom de famille ukrainien. « La mère de toutes les villes russes, c’est Kiev », rappelle-t-il en citant un proverbe russe.

« Poutine, ce brave homme »

Ces deux peuples sont « comme deux cousins ». Sergueï ne serait pas surpris de voir Poutine reprendre « les deux petites république­s indépendan­tes Lugansk et Donetsk [dans le Donbass], qui sont russes de facto ». Reste qu’à ses yeux, « Poutine joue un grand jeu politique pour gagner en influence et stopper l’élargissem­ent de l’otan ».

Sa crainte ? « Que les Américains mettent le bordel » ,et que l’ukraine se retrouve « entre le marteau et l’enclume », à la croisée de « deux mondes ».

Raïssa, 68 ans, illustre ces divergence­s. Cette mathématic­ienne, qui a quitté Odessa pour un Niçois il y a trente ans, vit aujourd’hui à La Collesur-loup. « Je viens d’ukraine, mais je suis russe. » Or, Raïssa ne voit pas les Russes attaquer Kiev. « Ils font des manoeuvres contre l’otan. » Vladimir Poutine ? « Il défend les gens comme moi, les 90 % qui veulent garder la langue russe. Il est diabolisé injustemen­t ! Pour moi, c’est un brave homme. » Pendant que des Ukrainiens clament leur attachemen­t à la Russie, d’autres rejoignent les bataillons de défense territoria­le, prêts à prendre les armes en cas d’invasion. Selon Sergueï, à Kiev, l’heure n’est « pas à la panique. Mais il y a quelque chose dans l’air... »

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 ?? (Photo Dylan Meiffret) ?? Kateryna, Ulyana, Iryna et Olena, de l’associatio­n franco-ukrainienn­e Côte d’azur, brandissen­t leur drapeau à Nice, sur la promenade des Anglais.
(Photo Dylan Meiffret) Kateryna, Ulyana, Iryna et Olena, de l’associatio­n franco-ukrainienn­e Côte d’azur, brandissen­t leur drapeau à Nice, sur la promenade des Anglais.

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