Nice-Matin (Cannes)

Violences conjugales à : une avocate niçoise brise le tabou

- CH. P.

Les violences conjugales n’épargnent aucun milieu social. Caroline Gatto en est la parfaite illustrati­on. À 39 ans, cette avocate s’est retrouvée maintes fois à la barre du tribunal à soutenir des victimes ou à des maris tyrannique­s. Cette fois, elle est elle-même plaignante. Sur le banc des prévenus Julien, son amour de jeunesse, le père de ses deux enfants. Il a choisi un métier à Monaco où il porte secours, et pourtant, depuis 2015, il s’est transformé en agresseur, incapable de réprimer ses pulsions. «Jemesuisre­trouvée pieds nus à fuir dans la nuit avec mes deux petits pour me réfugier chez des voisins », témoigne l’avocate niçoise.

Deux ans de prison avec sursis

Le 9 novembre 2018, après une nouvelle agression où elle se retrouve avec le visage tuméfié, elle dépose plainte. Un expert estime à dix jours son interrupti­on temporaire de travail.

La première gifle date de 2005. Acte fondateur d’une relation qui ne cessera de se dégrader jusqu’à ce que la justice monégasque s’en mêle en désignant un juge d’instructio­n.

Le procès en correction­nelle vient de se dérouler en Principaut­é. Le parquet avait requis trois ans de prison dont un an ferme. Julien vient d’être condamné à deux ans de prison avec sursis. Il devra verser des dommages et intérêts à son ex-femme mais aussi à ses deux enfants qui ont trop souvent assisté à ses poussées de colère incontrôlé­es. Apeurés, ils ont dormi pendant des mois dans la même chambre pour se rassurer et bloquaient leur porte pour éviter que leur père s’en prenne à eux. L’associatio­n monégasque d’aide aux victimes d’infraction­s pénales, également partie civile, a obtenu l’euro symbolique qu’elle réclamait.

« La honte doit changer de camp »

Pour Caroline Gatto, cette condamnati­on définitive (son ex-mari n’a pas fait appel) est la fin d’un calvaire, un immense soulagemen­t. N’avait-elle pas dû certaines fois se vêtir en été de manches longues pour masquer les bleus sur ses bras, cacher à ses proches son quotidien de femme trompée et battue ? Son avocate, Me Sandrine Reboul, se dit « fière d’avoir accompagné ma consoeur et amie dans un parcours long et difficile ». Caroline montre la voie à d’autres en relatant son histoire à visage découvert. Sur les 213 000 femmes victimes de violences dans leur couple recensées par l’observatoi­re national, beaucoup ont un travail, une vie sociale, ne laissant rien paraître. « Pour toute femme qui ose dire stop, la liberté est au bout du parcours judiciaire, aussi douloureux soit-il. La honte peut et doit changer de camp », martèle Me Reboul.

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(Photo Jean-françois Ottonello) L’ehpad Les Citronnier­s, à Roquebrune-cap-martin.
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(Photo Ch. P.) Victime d’un mari violent, Me Caroline Gatto, avocate au barreau de Nice, s’est retrouvée dans la situation de nombre de ses clientes.

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