Nice-Matin (Cannes)

« Regardez-moi dans les yeux, vos mensonges, on en a marre ! »

Au 6e jour du procès de Nordahl Lelandais, Colleen, la soeur de Maëlys, a affronté l’accusé, mais celui-ci, s’il a reconnu pour la première fois des penchants pédophiles, n’a pas dit grand-chose.

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Avez-vous violé ma soeur ? Vos mensonges on en a marre ! » Hier, lors du 6e jour de procès à la cour d’assises de l’isère, à Grenoble, Colleen (16 ans), la soeur de Maëlys, a éreinté Nordahl Lelandais, jugé pour le meurtre de sa cadette, sans parvenir à le faire craquer. L'adolescent­e s’est adressée directemen­t à lui et l'a pressé d'un flot de questions sur un ton offensif, afin qu'il révèle enfin dans quelles circonstan­ces il a donné la mort à la fillette de 8 ans, disparue lors d'un mariage à Pont-de-beauvoisin (Isère) en août 2017.

« Je vous demande des réponses maintenant »

« Quels ont été ses derniers mots ? Regardez-moi dans les yeux ! En fait c’est vous le déchet », lui a-t-elle lancé, le fusillant du regard. « Vous avez eu plein d’occasions de dire la vérité, vous n'avez pensé qu'à vous. Ayez ce courage et cette dignité comme j’ai celle de vous parler. Avez-vous violé ma soeur ? Qu’estce qui vous empêchait de dire où elle était pendant des mois ? » Devant l’insistance de la soeur de Maëlys, Lelandais, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, a répondu : « Non, je n’ai pas violé votre soeur. Je m’expliquera­i. » « Moi je vous demande les réponses maintenant, réplique la jeune fille, qui n'aura pas gain de cause, l'accusé, embarrassé, se murant dans le silence. « Ça me faisait mal de dire que je l'ai tuée », se justifiera­t-il plus tard, questionné par son avocat, Me Alain Jakubowicz. «Je sais que je ne suis pas cru, je comprends leur douleur, mais c’est la vérité. J’aimerais dire à la famille de cette petite, à ses amis, qu’ils ne sont aucunement responsabl­es » ,a déclaré Lelandais, qui a expliqué avoir menti pendant 6 mois à la justice car il n’arrivait pas à dire la vérité. « C’était déjà dans la presse, dans le bureau du juge, ça m’a bloqué. » Il a par ailleurs maintenu que Maëlys n’était pas montée de force dans sa voiture.

Une fin de non-recevoir

Le cri de Colleen s’est heurté à une fin de non-recevoir, une impossibil­ité psychique de ressentir la moindre forme d'émotion : «Il n’est pas capable de commenter des passages à l'acte bestiaux, je crois qu'on en est là », a déploré Me Laurent Boguet, avocat du père de Maëlys.

Avant le témoignage de leur fille aînée, les parents de Maëlys avaient décrit le naufrage de leur existence après sa disparitio­n. Aujourd'hui divorcés, ils avaient dépeint l’ « héroïne, le petit ange, guerrier de lumière, qui a mis un dangereux criminel en prison ». « Je n’ai pas su te protéger des méchants, je n’ai pas tenu la promesse que je t’ai faite », a lancé sa mère, Jennifer Cleyet-marrel, s'adressant à un portrait de la fillette posé devant elle. « J’aurai cette culpabilit­é en moi jusqu'à la fin de ma vie. » Le père, Joachim, se décrit de son côté comme un « papa perdu en mer (...) qui tente de sortir la tête de l’eau, victime du mauvais sort. » Il a perdu 25 kg depuis le drame. De nouveau confronté hier à des vidéos d'agressions sexuelles de petites-cousines – faits qu'il a reconnu avoir commis et filmés –,

Nordahl Lelandais a admis pour la première fois avoir éprouvé des penchants pédophiles, tout en niant avoir ressenti ces pulsions pour Maëlys.

L’ancien maître-chien militaire de 38 ans est accusé d'avoir agressé deux fillettes, âgées à l'époque de 4 ans et 6 ans, à l'été 2017, peu avant la disparitio­n de Maëlys. Ces actes avaient été mis au jour pendant l'enquête sur la disparitio­n de Maëlys lorsque les enquêteurs avaient mis la main sur des vidéos des attoucheme­nts filmées par téléphone. « Qu’est-ce que c’est ? Quel est le terme générique pour cela ? », l’interroge Me Yves Crespin, l’avocat de deux associatio­ns d’aide à l'enfance après la projection devant la cour des vidéos très crues de ces actes, qui ont bouleversé l'assistance.

« De la pédophilie », concède l'accusé, déjà condamné à Chambéry en mai 2021 à 20 ans de réclusion pour le meurtre du jeune soldat Arthur Noyer. « Il fallait que les mots soient posés sur les actes. Je crois que c'est la première fois qu'il admet ce penchant pédophile. Peutêtre que ça lui permettra d’aller un peu plus loin dans la connaissan­ce que nous avons des faits », a relevé Me Crespin.

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(Photo Benoît Peyrucq / AFP) À la barre, Colleen, la soeur de la petite Maëlys a tenté de faire craquer l’accusé. En vain.

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