Trompe-l’oeil
Ainsi donc, après avoir été longtemps coupée en deux, la France politique serait désormais fracturée en trois. Il y aurait, au centre droit, un bloc macroniste réunissant les Marcheurs et leurs alliés. À bâbord, une gauche unie sous la bannière rouge vif de Jean-luc Mélenchon. À tribord, une droite souverainiste conduite par Marine Le Pen.
C’est ce que nous disent les sondages. Et ce que laissent entendre les recompositions en cours. Les Républicains, isolés, ne représenteraient plus qu’une poignée d’égarés, condamnés à se déporter soit vers la majorité présidentielle, soit vers l’oriflamme des extrêmes.
La réalité est plus nuancée. D’abord parce que les scores obtenus par les trois candidats arrivés en tête au premier tour ne reflètent pas leur véritable audience. Ils ont bénéficié, chacun, du réflexe de vote utile – parce qu’ils étaient les seuls susceptibles, au vu des enquêtes d’opinion, de jouer la carte du second tour. Mélenchon ne séduit pas 21,95 % des Français ; Le Pen ne « pèse » pas réellement ses 41,45 % du 24 avril, pas plus que Macron ne peut se prévaloir du soutien de 58,55 % des électeurs.
Plus encore, aucune des trois « forces » n’a de véritable cohérence idéologique. La Nouvelle Union populaire écologique et sociale réunit des pro et des antinucléaires, des Européens convaincus et des partisans de la désobéissance. Coluche aurait fait son beurre des contorsions sémantiques mobilisées pour parvenir à cet accord !
Du côté des macronistes, avant même que le Président ne soit officiellement réinvesti, la façade unitaire se lézarde : les proches d’édouard Philippe se font traiter de «cons» par le chef de l’état sur fond de guerre de succession. Enfin, à l’extrême droite, où les thèses semblent les plus compatibles, les rancoeurs nées des trahisons successives rendent
« Coluche aurait fait son beurre des contorsions sémantiques mobilisées pour parvenir à cet accord. »
tout mariage difficile.
L’illusion des trois blocs monolithiques persistera peut-être jusqu’aux législatives. Mais elle ne devrait pas survivre longtemps aux ego surdimensionnés et aux incohérences structurelles.