Nice-Matin (Cannes)

Kombouaré, côté pile

Simple meneur d’hommes, coach défensif... le technicien nantais se débat avec les étiquettes tenaces qui lui collent à la peau. Ce soir, il entend démontrer qu’il mérite plus de considérat­ion.

- CHRISTOPHE­R ROUX

Entraîner est un métier ingrat. Vos choix, vos schémas tactiques et les résultats qu’ils amènent sont analysés, décortiqué­s et passés au microscope. Une performanc­e ratée, une rencontre aboutie et les étiquettes tombent de partout. Une poignée de matchs ou une saison plus ou moins réussie suffisent à établir une vérité, à construire les réputation­s. En première ligne, l’entraîneur devient trop défensif, limité tactiqueme­nt, sous-coté ou surcoté. La frontière entre génie et coach décrié est ténue, mais difficile à traverser.

Deaux : « On veut en faire un mec simplet »

Antoine Kombouaré en fait les frais. A 58 ans, le Kanak a mené les Canaris en finale de la Coupe de France. Il a proposé du jeu, fait passer le FCN des barrages à la 9e place de L1, mais il peine à se délester de ses habits « de coach défensif ». Lucas Deaux, son ancien joueur, s’en agace. « C’est n’importe quoi, peste le milieu de terrain de Dijon, qui a croisé le Néo-calédonien à Guingamp (2016-18). Il ne nous fait pas chier avec ça. Il était attentif sur la manière dont on encaissait les buts, sur l’attitude, mais il ne passait pas son temps à marteler : ‘‘Il faut prendre moins de buts’’. Aujourd’hui, dans le foot, dès que vous avez une étiquette, vous l’avez jusqu’à la fin de votre carrière. » L’ancien Nantais a « adoré » travailler avec l’ex-défenseur et aurait « aimé rebosser avec lui », parce qu’il n’est pas seulement un meneur d’hommes. Une autre idée reçue qui lui colle aux basques. Comme ce fut le cas à Dijon, qu’il a maintenu dans l’élite en 2019, avant de s’éclipser. « C’est un meneur d’hommes par sa prestance, son charisme. Il a du caractère et une aura. Mais dire qu’il n’est que ça est réducteur. On veut en faire un mec simplet qui gueule et tape sur ses joueurs. »

« Il est sous-côté, ajoute l’ex-gardien

Nantes attend un titre depuis 2001. Le Kanak rêve de lui apporter.

Jérôme Alonzo, qui tutoie Kombouaré sur les greens de golf. On en fait un pompier de service alors qu’il vaut mieux que ça. »

Deaux se souvient d’un personnage « humain » et des longues discussion­s partagées. « Dans une réunion de fin de saison, sur quarante-cinq minutes, on parlait cinq minutes de foot. Pour lui, comparé aux choses de la vie, le foot est secondaire. » Contrairem­ent à l’image que l’on dresse de lui, le natif de Nouméa se veut fin psychologu­e «Ilsaittire­rla quintessen­ce de ses joueurs par son discours », relate Deaux. Les mots ne sont pas toujours empruntés au champ lexical de la guerre et du combat. Il parle plaisir et ramène le foot à ses racines, celles du jeu. Il se plaît à dédramatis­er les enjeux, comme il l’a fait avant cette finale de la Coupe de France. Et ce n’est pas une posture pour la presse.

Baronchell­i : « Pour un titre, c’est maintenant »

« Antoine, je l’ai vu débarquer à Nantes (en 1983, NDLR), rembobine Bruno Baronchell­i, qui fut son partenaire pendant quatre saisons sur les bords de l’erdre. Avec lui, il n’y a pas de faux-semblants. On sait à quoi s’en tenir. Il pouvait s’emporter ou être impulsif parfois, mais c’est une belle personne. »

Deaux encore : « En 2016, on va à Lyon, celui des Lacazette, Fékir et Gonalons qui jouait l’europe chaque année. La veille, il nous avait dit : ‘‘Les gars, Lyon ou pas, on s’en fout. On y va avec nos principes. Ça marche, tant mieux. Sinon, on verra ce qui n’a pas fonctionné.’’ A la mi-temps, on est menés 1-0. On prend un bouillon monumental. S’il y a 4-0, il n’y a rien à dire. Dans le vestiaire, il parle un peu, calme le jeu et ne nous prend pas la tête. On était crispés et ça nous avait libérés. On avait gagné 3-1. » Peu importe ses dirigeants, Kombouaré s’est promis de ne « jamais déroger à ses principes », ce qu’il avait confessé à Deaux, lors d’une trêve en Bretagne. « Pour lui, c’est comme ça qu’on se casse la gueule. » Cette méthode l’amène ce soir en finale de la Coupe. Et les émotions seront fortes. Il peut offrir à son club de coeur, celui qui l’a formé et révélé, un premier titre depuis 2001. Sur le plan personnel, ce sacre mettrait fin à douze années sans trophée, depuis la Coupe de France 2010 remportée avec Paris. Lui qui avait été viré par le PSG fin 2011, alors qu’il était en tête du championna­t à la trêve. Remplacé par Ancelotti, il avait vu Montpellie­r doubler Paris et toucher les étoiles. Une mésaventur­e qu’il n’évoque pas. «Ilne veut pas qu’on s’apitoie et qu’on pleure sur son sort » (Deaux).

« Il a de l’orgueil, pointe Alonzo. Il veut prouver, montrer qu’il peut gagner. »

Pour Baronchell­i, riche de son vécu, le Kanak est au sommet de son art. « Pour un titre, c’est maintenant. Il mérite d’aller chercher le Graal. Il est solide à tous les niveaux. A Nantes, il est rentré à la maison. Ses années de formation ont laissé une trace. Il est dans un moule, bien dans sa peau puisqu’il se sent apprécié. Il a une telle force au sein du club qu’il s’éclate. »

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(Photo AFP)
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