Deux brigades se font face
La Sud face à la Loire, le match des tribunes sera un élément phare de la soirée de Saint-denis. Créée quatorze ans avant sa cadette, la BSN 85 a l’avantage historique.
Une marée jaune et verte face à l’invasion rouge et noire. L’affiche a de la gueule. Pour une histoire de kilomètres et de rallonge de billets accordée par la Fédé, les Nantais devraient remporter la bataille visuelle. Niveau sonore, rien n’est moins sûr. Le choc des virages fera rage. Et le hasard a bien fait les choses. Au Nord du Stade de France, la Brigade Loire. En face, la Brigade Sud Nice. Celle qui entonne les soirs de match à l’allianz : « Il n’y a qu’une brigade en France, c’est celle qui vient du Ray ».
Une influence italienne commune
De la tribune Sud du quartier Gorbella plus exactement. Et de l’union sous une même bannière d’une quinzaine d’amis. Réunis après un match de la saison 1984-1985 derrière la tribune... Nord.
« Sur le parking situé derrière les Secondes. C’était Nice-bordeaux si je ne me trompe pas, précise l’un de ces fondateurs. On avait 15-16 ans, dixhuit pour les plus vieux. On faisait les déplacements en voiture, on avait zéro moyen. Fonder un groupe, c’était pouvoir vendre des cartes de membres, des écharpes, tout ce qui pouvait nous permettre d’acheter du matos pour colorer et animer la tribune. Fumigènes, rouleaux de papier toilette, bâches... »
Après le Commando Ultras marseillais (1984), la BSN fait office de pionnière en France avec les Boulogne Boys, également apparus en 1985 à Paris. « Le groupe a si bien évolué depuis qu’il réunit quatre générations. Peu de groupes en France parviennent à le faire, » poursuit le quinquagénaire, qui montera dans le train des Ultras avec son fils. Pour le nom ‘‘Brigade’’, l’inspiration est transalpine. Comme les Nantais, mais quatorze ans plus tôt, référence est faite aux Brigate italiennes. « C’est un nom de groupe historique en Italie, qui marque. Comme Ultras, Commando ou encore Fossa, détaille Sébastien Louis, historien et auteur du livre ‘‘Ultras, les autres protagonistes du football’’. Le premier groupe Brigate est créé à Vérone en 1971 : le Calcio Club Brigate Gialloblu. Evidemment l’un de ses fondateurs, de gauche, s'inspire des Brigades rouges. En naîtront d’autres à Milan (75), à Bergame (76)... »
A la différence du courant de supportérisme anglais, les Ultras reprennent les chants lancés par un capo, mégaphone en main. « Chef d'orchestre de l’ambiance du stade », les Brigate vouent une grande importance à la scénographie et à « l’esprit groupe, qui peut parfois prendre le pas sur l'équipe. » (Sébastien Louis)
La fête du foot « gâchée » par la répression
Le face-à-face des brigades est redouté par les autorités et les agents de la DNLH (division nationale de la lutte contre le hooliganisme). Pourtant la rivalité « fait sourire » notre interlocuteur niçois. « Ce n’est pas un Nice-bastia ou un Nice-om, des rivalités antécédentes à la création du groupe, ancrées à la région. Comme un Biarritz-bayonne au rugby. » Ebauches de tifo refusées, contraintes de déplacement ridicules et abusives, les brigades n’ont pas eu loisir de préparer la pseudofête du football comme ils l’imaginaient avec 20.000 âmes dans chaque virage. « En 1997, on n’avait rien demandé à personne pour les tifos, les drapeaux, rembobine l’ancien membre de la BSN. C'est devenu impossible tellement il y a de restrictions, de comptes à rendre. La moindre banderole doit être validée en amont, puis dépliée au stade pour vérification. »
« C’est le problème en France, et en Italie, il n’y a pas de prise en compte du supportérisme, dénonce Sébastien Louis. Rien à voir avec le modèle allemand, organisé, avec du dialogue et une véritable reconnaissance des rôles. La France choisit la répression. L’association nationale des supporters essaie de changer les choses. On voit combien c’est difficile face aux 129 matchs de L1 concernés par des limitations, des encadrements ou des interdictions de déplacement. La vision négative du supportérisme gâche la fête du football. Comme on l’a vu en marge de Marseille-feyenoord, la mauvaise gestion française génère des tensions et débordements ».