Nice-Matin (Cannes)

Peillon : « On a retrouvé un

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Peillon, 1 500 habitants. Une commune de la vallée du Paillon, éclatée en six hameaux. À l’origine il y a le village en nid d’aigle, typique de l’arrièrepay­s niçois. Mais depuis 1948, c’est Sainte-thècle, en bas du vallon, qui est devenu le centre névralgiqu­e de la commune : ici se trouvent la mairie, la poste, la gare sur la ligne Nice-breil et c’est ici que doit se développer la nouvelle école.

Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une zone reculée. Nice se trouve à une vingtaine de minutes, Monaco à une demi-heure. Et pourtant… Pendant quinze ans, ce qui était le bistrot du coeur de village est resté fermé.

Certes, jusqu’en 2017, il y avait un peu plus loin l’auberge du Moulin, mais elle était tournée vers les routiers de cette vallée ouvrière. Le bâtiment de la place du village, en face de la mairie, est, lui, mort à petit feu. Jusqu’à ce que la municipali­té ne le rachète, ne le retape et n’y lance un Bistrot de pays.

« Aujourd’hui, c’est le coeur du village »

Le Bistrot des sources a donc ouvert en 2015. En échange d’un petit loyer, le repreneur devait répondre aux exigences du label : ouverture toute l’année, proposer de la restaurati­on fraîche et locale, valoriser le territoire. Sept ans plus tard, le maire LR, Jeanmarc Rancurel, ne cache pas sa joie : « Ça a redonné vie à Saintethèc­le ! On ne voulait plus que ce soit une commune dortoir. Aujourd’hui, c’est le coeur du village, un lieu où tout le monde vient. Ça marche tellement bien qu’il est tout le temps complet ».

Le jour de l’ouverture, la place était bondée

Le patron, c’est Paul-albert Chicot. Quand « Paul », comme tout le monde l’appelle, ouvre à 7 h, les travailleu­rs l’attendent déjà à la porte, pour boire leur café. Et sa journée ne s’arrête pas, jusqu’à 15 h. «Jesuis débordé », ditil, dès 8 h. Bosser autant, ce n’est d’ailleurs pas ce que ce cuisinier de 64 ans avait prévu, en quittant Cannes, il y a 7 ans. Mais il a vite compris. «Onne pensait pas qu’on travailler­ait aussi bien, retrace-t-il. Je m’étais dit que c’était un petit truc de montagne, plus calme et en fait c’est hyperdur. Le jour de l’ouverture, le maire m’a dit de faire des petits fours pour 200 personnes. J’ai pensé : “Il rêve”. Et en fait, toute la place était bondée. Je suis allé à la cuisine faire des petits fours… Il y avait une attente ».

Il faut dire que 15 ans sans bistrot au village, c’est long. De nombreux habitants s’en souviennen­t comme d’un traumatism­e. Bruno, qui habite juste en face, vient boire le café presque tous les jours avant d’aller bosser. « Ça a été compliqué, c’était un manque. Le café, c’est ce qu’il y a de plus important, c’est le coeur du village. Ça permet de voir les gens qui habitent ici. Si ça n’existait pas, il y en a qu’on ne connaîtrai­t pas. »

« Mes enfants y sont chez eux »

Alors que Paul prépare les repas du midi, ce sont les deux salariées qui gèrent le service. Le bistrot fait dépôt de pain. Les travailleu­rs du matin croisent des retraités. Tout le monde se salue par son prénom. Les uns paient des cafés aux autres. « On a retrouvé un bistrot familial d’antan, comme on en a besoin, sourient Bernard et Jeanmarie, deux amis retraités qui viennent de Peille, le village voisin. Nous sommes veufs. On fait quoi ? On a besoin de contact, c’est indispensa­ble. Si on nous enlève ça, on nous enlève un bras ».

« C’est un rassemblem­ent intergénér­ationnel, emboîte Émilie Bedeschi. Mes enfants y sont chez eux, ils connaissen­t tout le monde, ils passent derrière le bar. Ça leur fait vivre ce qu’ont connu les gens ici, avant que le bar ne ferme pendant 15 ans, c’est quelque chose qu’on leur transmet ». Même pendant les confinemen­ts, le Bistrot des sources ne s’est pas essoufflé. Paul s’est mis à faire des repas à emporter. Et continue aujourd’hui, mais seulement pour une poignée de personnes âgées, avec un prix réduit.

Laura, la serveuse, est chargée de la tournée ce jeudi-là. Elle a notamment les clés du portail de France Chiabaut, 94 ans. «Jefais appel à eux tous les jours, ça me rend bien service. Ils sont très importants au village, pour tout le monde. J’espère que ça durera longtemps ». « On ne le fait que pour eux, sinon on ne s’en sort pas, c’est plutôt pour rendre service », sourit Laura.

Attirer plusieurs types de clientèles

Paul et son équipe ont conquis le village, mais pas seulement. Des ouvriers du coin y font leur pause. On y croise des habitués venus des communes voisines, mais aussi de la côte. Les touristes suivent. Attirés par le côté convivial, la petite carte de produits frais (deux plats du jour), les petits prix (entrée + plat = 20 euros) et le label. «Ça fait 5 ou 6 ans que je viens là, répond un Drapois, venu avec des amis de Beausoleil. On rencontre beaucoup de gens des communes environnan­tes. Ce n’est pas un restaurant touristiqu­e, c’est familial. Dès qu’ils sont fermés 10 jours, on est perdus. »

Voilà donc la recette de ces établissem­ents, souligne Bastien Giraud, directeur de la fédération nationale des Bistrots de pays : « Il faut être attractif. La clientèle locale ne suffit pas. Il faut attirer les habitants, ainsi que les excursionn­istes qui viennent à la journée.

Ça marche tellement qu’il est tout le temps complet”

Si on nous enlève ça, on nous enlève un bras”

 ?? ?? Le Bistrot des sources tourne à 35 couverts par jour.
Le Bistrot des sources tourne à 35 couverts par jour.
 ?? ?? Le Bistrot fait quelques livraisons à domicile pour les personnes âgées.
Le Bistrot fait quelques livraisons à domicile pour les personnes âgées.
 ?? ?? Le Bistrot des sources attire de nombreux habitués.
Le Bistrot des sources attire de nombreux habitués.

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