Nice-Matin (Cannes)

Pot de départ

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Dans la Ve République, il n’y en aura pas eu deux comme Jean Castex. Ce Premier ministre-là ne ressemble à aucun autre. Présent comme il se doit à la cérémonie d’investitur­e d’emmanuel Macron, samedi dernier, il a redit, à ceux qui lui posaient la question, qu’il avait bel et bien « fini sa mission » .Généraleme­nt, les Premiers ministres qui occupent, sans que tous les Français n’en aient conscience, la fonction la plus lourde qui soit sous la République, au four et au moulin toute la journée, sans oublier les nuits, ont néanmoins beaucoup de mal à accepter que le Président, d’un coup, coup de tête ou nécessité politique, se sépare d’eux, même s’ils sont bien obligés de l’accepter. Et bien, Jean Castex, c’est tout le contraire. Non seulement il a assuré, en privé, samedi, qu’il ne rempilerai­t pas.

Mais, preuve supplément­aire de son désir de tirer sa révérence, il avait déjà prévu son dîner d’adieu avec ses ministres, dans les jours qui viennent, et c’est Emmanuel Macron lui-même qui lui a demandé de le décommande­r. Pas tout de suite, a dit le chef de l’état, comme si quelque part, il envisageai­t de nommer à nouveau le Premier ministre de la fin du premier quinquenna­t à son poste pour le début du second. Après tout, le général de Gaulle, après son élection de 1965, avait bien reconduit Georges Pompidou à Matignon ? Cette fois, c’est Jean Castex qui a théorisé en quelque sorte son propre départ : il répète, depuis une semaine, et surtout après le discours d’investitur­e d’emmanuel Macron samedi, que, celui-ci assurant vouloir être un Président « nouveau », pour un mandat « nouveau », élu par un peuple « nouveau », ne peut en aucun cas choisir son ancien Premier ministre pour se succéder à lui-même. Il faut dire que Jean Castex a été pour Macron un Premier ministre exemplaire : faisant le boulot – gestion de la Covid 19, liaison avec les territoire­s, coordinati­on des ministres et des parlementa­ires LREM –, dans le silence et une discrétion totale, sans jouer les vedettes, et surtout laissant le Président apparaître seul, sans jamais lui faire de l’ombre, à la tête de l’état. Et surtout, sans jamais faire lui-même de politique. Un super technicien, énarque, sans avoir l’air de l’être, avec cette pointe d’accent qui fait que tout passe, venu des Républicai­ns, mais n’y ayant jamais cherché la première ni même la deuxième place. Le Président pourra-t-il trouver, dans le monde politique tel qu’il est aujourd’hui, l’équivalent de Jean Castex ? Le cherche-t-il ou bien l’a-t-il déjà trouvé ?

Fin du suspense la semaine prochaine.

« Après tout, le général de Gaulle avait bien reconduit Pompidou à Matignon en 65... »

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