Nice-Matin (Cannes)

Depuis deux ans, cette mère se bat pour retrouver sa fille

Depuis mars 2020, Darlène est sans nouvelle de Sharmine, née à trois ans et demi plus tôt. Une enquête européenne, partie de est ouverte pour localiser l’enfant et son père.

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La dernière fois que Darlène Kouwenhove­n a vu Sharmine, c’était en mars 2020. À l’époque, l’étau du confinemen­t se referme sur la France. Un rendez-vous est prévu avec sa fille et son père. « Et il l’annule à la dernière minute, par téléphone. J’ai prévenu tout le monde qu’il allait partir. J’ai eu un pressentim­ent... »

Nice, printemps 2022. Darlène Kouwenhove­n nous attend à une terrasse de café, tirant nerveuseme­nt sur sa cigarette. Voilà plus de deux ans qu’elle n’a plus vu Sharmine. Ni eu de contact avec elle. Ni même su où elle se trouvait. Les seules photos qu’elle peut nous montrer, sur son téléphone, datent de sa vie d’avant. « Aujourd’hui, je ne vis pas, je survis. »

Un hashtag comme une bouteille à la mer

« #Oùestsharm­ine ? » Darlène Kouwenhove­n a lancé ce hashtag sur les réseaux sociaux, comme on jette une bouteille à la mer. Sans réponse à ce jour.

Sharmine, née le 23 septembre 2016 à Monaco, a disparu. Vraisembla­blement emmenée par son père, Konstantin N., dans son pays d’origine, l’allemagne. Une enquête européenne est en cours pour les localiser. Contactée par nos soins, la police allemande confirme : « L’enfant vit actuelleme­nt avec son père, légalement, en Allemagne ». Mais pour sa mère, chaque jour est une entaille de plus dans la chair. Sharmine. Un prénom original, aux origines multiples. Sharmine, c’est cette fillette qui a grandi entre Monaco - comme sa mère et Menton. C’est cette jolie bouille aux yeux et aux cheveux clairs, que Darlène surnomme affectueus­ement « Cacahuète ». C’est cette gamine « très gentille », « ultrachou », « super câline » - mais « plus sauvage » que ses deux grandes soeurs, issues du mariage avec un autre homme.

Elle dénonce des violences conjugales

Darlène Kouwenhove­n, 48 ans, Néerlandai­se établie sur la Côte d’azur, est tombée enceinte de Sharmine quelques mois après avoir rencontré Konstantin N. « Son comporteme­nt a changé pendant ma grossesse, affirme-t-elle. Il était devenu très possessif et dirigiste. J’étais sa chose. » Leurs relations se seraient dégradées au point de verser dans la violence. «Ilme bousculait... »

En mars 2019, Darlène Kouwenhove­n rompt. Elle emménage dans un autre appartemen­t à Menton. Puis revient chercher ses affaires. Selon elle, Konstantin N. se serait alors emporté, l’aurait « traînée jusqu’au fond du couloir », avant de l’étrangler. « J’étais comme une poupée de chiffon» , souffle-t-elle, en mimant une strangulat­ion. «Il m’a projetée contre une baie vitrée. Il est revenu à la charge trois fois. J’ai tremblé comme jamais ! »

Le père introuvabl­e

En état de choc, Darlène Kouwenhove­n se rend au commissari­at de Menton. Elle affirme avoir dû s’y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir déposer plainte. Trente jours D’ITT seront diagnostiq­ués. En tout, elle déposera plainte contre son ex-conjoint. Y compris pour de supposées violences physiques contre ses filles aînées.

La dernière en date a été déposée le 7 janvier 2021, à la gendarmeri­e de Saint-tropez, pour « enlèvement et séquestrat­ion ». La précédente visait une « non-représenta­tion d’enfant ».

Selon nos informatio­ns, le parquet de Nice a ouvert en mars 2021 une informatio­n judiciaire de ce chef, ainsi que pour les violences intrafamil­iales présumées. Konstantin N. a été convoqué fin 2021. Il ne s’est pas présenté.

Au printemps 2019, le juge des affaires familiales lui a confié la garde de Sharmine. « Parce que je refusais de communique­r mon adresse, par peur de lui ! », soutient Darlène Kouwenhove­n. Nous n’avons pu confronter sa version. Seule certitude : Sharmine et son père se sont volatilisé­s en mars 2020.

Cyber-solidarité

Depuis, Darlène remue ciel et terre pour retrouver sa fille. Réalisant que d’autres parents « vivaient des situations similaires » ,elleacréé un « groupe de parole virtuel sur les réseaux sociaux ».

Elle a mené sa propre enquête avec des internaute­s sensibles à sa détresse, dont « le réseau Anonymous ». Elle a inondé de courriers les services d’enquête, les juridictio­ns, les ministères, jusqu’à la saturation. Le cabinet du garde des Sceaux l’assure avoir transmis sa requête. Celle-ci a bien été prise au sérieux, attestent plusieurs sources.

Des lenteurs

Pourtant, Darlène Kouwenhove­n dénonce des lenteurs, une écoute aléatoire, «des dysfonctio­nnements graves. Le confinemen­t n’a pas aidé... Mais j’ai confiance en la justice. Moi, je cherche ma fille. Pourquoi n’est-elle pas avec moi ? Pourquoi ? Il serait temps que l’on prenne la mesure de l’urgence ! »

Les affaires de « non-représenta­tion d’enfant » ne sont, hélas, pas rares. Mais toutes ne débouchent pas sur une enquête entre pays voisins. Ni sur une si longue attente.

Aujourd’hui, Sharmine a cinq ans et demi. Sa mère pense qu’elle se trouve dans la région de Cologne. En l’attendant, elle tient, portée par ses deux grandes filles et ses cyber-soutiens. Son seul souhait : « Que Sharmine revienne très vite. Qu’on me la ramène. »

 ?? (Photo DR) ?? Darlène Kouwenhove­n avec sa fille Sharmine, dans l’une de leurs dernières vidéos prises ensemble.
(Photo DR) Darlène Kouwenhove­n avec sa fille Sharmine, dans l’une de leurs dernières vidéos prises ensemble.

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