Nice-Matin (Cannes)

Ciotti-pécresse : les dessous d’une campagne tendue

Le député et la candidate à la présidenti­elle ont été à couteaux tirés pendant toute la campagne. Selon des proches, « ils ne s’adressent presque plus la parole depuis des mois ».

- STÉPHANIE GASIGLIA

Maison de la chimie à Paris. Dimanche 10 avril, soirée du premier (et seul) tour de la présidenti­elle pour Valérie Pécresse. 18 heures, la messe est dite. Les premiers sondages à la sortie des urnes sautent de smartphone en smartphone. Et, s’ils n’avaient plus aucune illusion sur leur qualificat­ion, Les Républicai­ns comprennen­t, coup de grâce, que la défaite annoncée sera bien une humiliatio­n.

Dans la grande salle de cet hôtel particulie­r parisien, ambiance « enterremen­t de première classe », il y a plus de journalist­es que de militants. La garde rapprochée de la candidate LR commence à arriver. À la hâte, on installe des barrières pour empêcher la presse d’approcher. Tête baissée, masque sur le nez, un à un, les barons s’engouffren­t par une porte dérobée.

Sur TF1, pas à la soirée électorale

Il y a Gérard Larcher, Damien Abad... Ou encore Julien Aubert, rare élu à accepter de bredouille­r quelques mots devant une forêt de micros. « LR est vraiment en danger de mort », siffle, entre autres, le député du Vaucluse. Il y a aussi les candidats malheureux à la primaire LR, Christian Jacob, Michel Barnier, Philippe Juvin.

Il en manque un. Mais où est donc Éric Ciotti ? Le député des Alpes-maritimes, arrivé en tête devant Pécresse, au premier tour de l’élection interne de décembre, n’est pas resté dans son fief, à Nice.

Ciotti est bien à Paris, sur le plateau de TF1. Où, dès 20 h 15, avant même la déclaratio­n de la candidate recalée, il évoque « une défaite brutale, une claque, une défaite historique ; une campagne qui n’a pas fonctionné, si sur le fond, ni sur l’adéquation entre la candidate et le peuple de France ».

Pas un mot pour défendre celle avec laquelle il a battu campagne pendant des mois. Sur toutes les photos. De tous les déplacemen­ts. Au premier rang dans tous les grands meetings... Au moins au début.

« Des désaccords profonds »

« Le torchon brûle entre Pécresse et Ciotti. Ça ne date pas d’aujourd’hui. Ils ne s’adressent presque plus la parole depuis des mois », éclaire un proche des deux élus. Le temps d’un déjeuner « photo-farcis » à la Petite Maison à Nice, le 6 décembre, l’espace d’un lancement de campagne à

Saint-martin-vésubie dans la foulée, que, déjà, le divorce était presque consommé. « Dès le début, ils avaient un désaccord profond sur les thèmes à mettre en exergue. Valérie avait gagné, mais Ciotti ne lui a pas laissé d’air, ne l’a pas laissée prendre ses marques, sous prétexte qu’il avait remporté la bataille des idées au premier tour de notre primaire. Ça nous a plombés. Peut-être que Ciotti avait raison, mais Valérie n’était pas prête à cette campagne-là », analyse un Républicai­n engagé dans la présidenti­elle. Ciotti, une loyauté trop envahissan­te ?

Cavaillon, le début de la fin

Le 8 janvier, le meeting de Cavaillon marque le début de la fin. Valérie Pécresse refuse au député des Alpes-maritimes une place à ses côtés sur l’estrade. « Ciotti a explosé. Il a menacé de quitter la campagne. Valérie Pécresse a fini par céder parce qu’elle n’avait vraiment pas besoin deça» , révèle un élu LR azuréen. À partir de là, « Ciotti a fait cavalier seul, il est allé faire campagne de son côté, avec pour prétexte la présidenti­elle, il a tenu des réunions publiques. Mais en fait, il était dans le coup d’après », souffle un proche de la candidate et du député. Le coup d’après ? « Bien avant tout le monde, Ciotti avait compris que c’était mort pour Les Républicai­ns, une fois de plus. Son seul but dans la campagne, c’était de se faire connaître en vue de se positionne­r pour reprendre le parti en mains », ajoute cette source. « Éric Ciotti envisage de remplacer Christian Jacob à la tête de LR », croit, dur comme fer, un autre Républicai­n. Qui rapporte une « réunion très tendue » à La Fabrique, le QG de campagne parisien de Pécresse, inauguré le 4 janvier. C’était avant le meeting du Zénith. « Ce jour-là, beaucoup ont essayé de faire comprendre à Éric Ciotti qu’il devait se mettre en retrait. Ce n’était pas sa présidenti­elle ». Il souffle : « Pourtant, avec le recul, je pense et je ne suis pas le seul, que Ciotti aurait été un meilleur candidat que Pécresse ».

« Notre relation nous concerne »

Éric Ciotti ne souhaite pas s’épancher sur sa relation avec la candidate. Elle « nous concerne », répond le député. Et s’il concède « avoir eu, bien sûr, des analyses divergente­s sur le fond » avec Pécresse, il « conteste totalement certaines versions données récemment dans la presse ». Et conclut : «Jeme suis battu loyalement, avec plus de 50 réunions dans la France entière ».

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Le 6 février, à Saint-martin-vésubie, Valérie Pécresse et Éric Ciotti lancent la campagne de la présidenti­elle. Très vite, les relations entre la candidate et son ex-challenger à la primaire se dégradent.
(Photo Eric Ottino) Le 6 février, à Saint-martin-vésubie, Valérie Pécresse et Éric Ciotti lancent la campagne de la présidenti­elle. Très vite, les relations entre la candidate et son ex-challenger à la primaire se dégradent.
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