Nice-Matin (Cannes)

« On s’accroche au volant »

Convié à apprivoise­r une Gordini T16 septuagéna­ire à domicile, Jean-pierre Richelmi dispute à bientôt 65 ans sa première course sans arceau ni harnais de sécurité. Expérience décoiffant­e !

- Champagne à Reims pour Jean Behra le Niçois ! PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Initialeme­nt prévue au virage du 12e Grand Prix de Monaco Historique, en 2021, cette marche arrière de 70 ans était tombée à l’eau in extremis par la faute d’un culbuteur capricieux. Accroc réparé ! Hier midi, à l’heure des essais libres de la série A2, Jean-pierre Richelmi a bel et bien débuté sa valse à trois temps avec une danseuse qui lui donne pas mal de fil à retordre. Une Gordini T16 cravachée jadis par l’as du volant niçois Jean Behra, héros du Grand Prix de Reims 1952. Moins d’une semaine avant de souffler sa 65e bougie, le rallyman monégasque s’offre ainsi une vertigineu­se plongée dans un autre temps. Avec casque et combinaiso­n... mais sans ceinture.

Jean-pierre, d’abord, ôteznous d’un doute : ce weekend, c’est bien la première fois que vous disputez une course avec une voiture plus âgée que vous ?

Eh oui, absolument ! C’est une première, mieux vaut tard que jamais. Vous avez raison de le souligner. (Rires) Cette auto a 70 ans, vous vous rendez compte ?

On pensait que vous aviez tiré un trait définitif sur le Grand Prix de Monaco Historique...

Moi aussi, je le croyais. Après avoir manqué le podium de justesse à deux reprises en 2006 (5e, ndlr) et 2008 (4e), j’avais tourné la page. La seconde fois, l’embrayage de mon Ensign rend l’âme alors que je tiens la 3e place en vue de l’arrivée. Rater le coche à cause de petits problèmes mécaniques, je ne l’ai pas digéré.

Pourquoi ce come-back à domicile, alors ?

Parce qu’un ami collection­neur m’a proposé de piloter cette Gordini

T16. Il m’a dit : « Si tu décroches un bon résultat à Monaco, l’auto va encore prendre de la valeur ! » (Il se marre) La T16 construite par Amédée Gordini a

marqué de son empreinte l’histoire de la F1 lors du Grand Prix de Reims 1952 remporté par Jean Behra devant deux Ferrari (voir cidessous). Pour moi, c’est l’occasion d’explorer un autre temps, de découvrir à quoi ressemblai­t le sport auto de l’après-guerre. Je la saisis volontiers. Ce genre de plaisir ne se refuse pas.

Comment s’est passée la prise en main ?

Pour faire connaissan­ce, j’ai bouclé une grosse vingtaine de tours sur le circuit du Luc, mardi. De quoi s’habituer à certaines subtilités. Le freinage est... (Il réfléchit) Comment dire ? Facultatif ! Avec ces tambours, mieux vaut enfoncer la pédale bien avant le panneau trop tard... Même précaution avec la direction qui offre une tenue de cap assez aléatoire. Parfois, on se retrouve à 30 cm du point de corde sans savoir pourquoi. Mais la principale surprise, c’est la boîte 4 vitesses. Regardez, vous avez le levier entre les jambes. Chaque changement de rapport s’avère très lent, compliqué. Oubliez le talon pointe ! Heureuseme­nt, le moteur (un 6 cylindres en ligne 2,5 litres de 250 chevaux) allie puissance et souplesse. Son atout numéro 1.

Votre regard sur cette époque a-t-il changé ?

Ah oui ! Là, je réalise à quel point les mecs étaient courageux. Les rails de sécurité n’existaient pas. C’était le salaire de la peur. Ils partaient direct dans le décor. Vol plané garanti car il n’y a ni arceau, ni harnais. En piste, pas le choix, on s’accroche au volant ! Moi, vous savez, je n’ai jamais été prudent en ‘‘compète’’. Ce week-end, je fais gaffe. À près de 65 balais, c’est la première fois !

On a l’impression que le rallyman Jean-pierre Richelmi préfère les compétitio­ns historique­s sur circuit. Vrai ou faux ?

J’ai disputé quelques rallyes historique­s, notamment le Monte-carlo. La régularité (VHRS), ce n’est pas mon truc. Et côté vitesse (VHC) ,il y a relativeme­nt peu d’épreuves intéressan­tes. Tenez, après une longue parenthèse, je viens justement de dégourdir mes semelles au Tour Auto, de Paris à Andorre, dans le baquet d’une Lotus Elan de 1952 affûtée par mon ami Philippe Gache. Belle découverte. Côté route, on peut dire que j’ai fait le tour de la question. En suivant la carrière de mon fils (Stéphane Richelmi, vainqueur à Monaco en GP2 puis champion du monde d’endurance et vainqueur des 24 Heures du Mans en catégorie LM P2), le virage a été négocié naturellem­ent. Je voulais découvrir autre chose. Et puis quand on souffre d’arthrose des doigts, comme moi, le circuit, ça fait moins mal aux mains (Sourire). Quoi que... Les dix tours que l’on va enchaîner ici dimanche, ce sera vraiment une longue épreuve spéciale...

‘‘ Je n’ai jamais été prudent en compétitio­n. Là, je fais gaffe. C’est la première fois ”

Votre plus lointain souvenir du Grand Prix de Monaco, c’est quelle année ? Quel pilote ?

Jim Clark, mon idole ! J’étais gamin, j’avais cinqsix ans... En 1962 et 1963, il volait littéralem­ent. Personne n’allait plus vite que lui. On ne voyait que sa fameuse Lotus 25 : coque verte avec la bande jaune. Il gagnait partout sauf à Monaco. Deux pole positions, deux courses ruinées par des problèmes mécaniques !

Si l’on vous tendait le volant de l’une des F1 mythiques composant le plateau de ce 13e Grand Prix Historique pour un galop d’essais, laquelle choisiriez-vous ?

Mes deux expérience­s ici, je les ai vécues aux commandes d’une F1 des années 70 (Une Ensign de 1976). Alors, justement, je complétera­i mes connaissan­ces en optant pour une voiture de la génération précédente, avec le moteur 1,5 litres et des pneus plus petits.

La Lotus de Clark ou la BRM de Graham Hill... J’imagine qu’elles doivent être moins contraigna­ntes à exploiter, qu’elles se pilotent différemme­nt.

Comparaiso­n intéressan­te.

Maintenant que vous avez remis le contact, le rendezvous est déjà pris pour l’édition suivante. Jamais trois sans quatre ?

Pourquoi pas ? Tant que je me sens en forme et que je sais tourner le volant, il faut en profiter. Si on me propose de remonter le temps une fois de plus dans une autre monoplace, je suis partant, sûr et certain.

 ?? (Photo Cyril Dodergny) ?? Maintenant, Jean-pierre Richelmi sait ce qu’est le « salaire de la peur » !
(Photo Cyril Dodergny) Maintenant, Jean-pierre Richelmi sait ce qu’est le « salaire de la peur » !

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