« Il y a une vraie question de spontanéité de la sincérité »
Stéphanie Lukasik est enseignantechercheuse à l’université de Lorraine et chercheuse associée à l’institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication des universités d’aix-marseille et de Toulon, spécialiste des questions liées à la réception de l’information via les réseaux sociaux numériques.
À quand remonte ce phénomène ?
À la mouvance des Youtubeurs, qui se sont ensuite transformés en influenceurs. Au début des années 2000, ces créateurs de contenus partageaient leur quotidien ou leurs centres d’intérêt, et essayaient de se créer une communauté autour de ça. Mais dès 1944, des chercheurs de l’université de Colombia ont étudié le comportement des gens et de leur prise de décision. Ils se sont intéressés aux réseaux sociaux « classiques », c’est-à-dire l’entourage social d’un individu, et dans quelle mesure celui-ci influe sur la prise de décision.
Pourquoi le marketing d’influence rencontre un tel succès ?
L’influence est liée à l’influence personnelle, donc à la personne.
Dans le fonctionnement de l’influence personnelle, vous avez une communication à deux étages. Le premier, c’est le créateur de contenus. Le second, c’est l’interaction des usagers récepteurs, c’est-à-dire les internautes, qui vont créer de la viralité autour du contenu en partageant, commentant, réagissant. Ce phénomène-là, le marketing d’influence l’a bien saisi.
Sur les réseaux sociaux numériques, on retrouve ce mécanisme à travers l’homophilie, c’est-à-dire l’amour de la ressemblance. L’influenceur crée un mode de vie rêvé autour d’un objet, quand il place un produit, et une correspondance avec le quotidien des internautes.
Le fait que les influenceurs soient présentés comme des gens normaux va permettre de créer un lien.
Quelles sont les limites ?
Actuellement, il y a quand même une perte de confiance de la part du public vis-à-vis des influenceurs et des marques qui les rémunèrent. Il y a une vraie question de spontanéité de la sincérité : s’agit-il de leur opinion ou leur conduite est-elle guidée par la rémunération ? Afin de contourner ces dérives, certaines marques recherchent des influenceurs moins populaires, pour essayer de renouer avec cette spontanéité.
Peut-on durablement en gagner sa vie ?
Rien n’est durable. Tout est impermanent. Les créateurs de contenus, aussi célèbres soient-ils, peuvent perdre des abonnés du jour au lendemain, notamment avec le phénomène de la « cancel culture » [forme de boycott numérique, Ndlr] : on peut « dépopulariser » un individu très populaire sur les réseaux sociaux. La durabilité du modèle tient à la faculté de ces influenceurs à se renouveler.