Nice-Matin (Cannes)

: quatre mois avec sursis pour la passionari­a des « gilets jaunes »

Il a notamment été reproché à Rachel d’avoir convié « la bande dure de La Ciotat » à une manifestat­ion.

- SA. S.

Rachel s’avance à la barre du tribunal dans une robe printanièr­e flottant sur sa haute silhouette épanouie. Qui percevrait sous ce visage de madone une redoutable meneuse d’hommes, passionari­a du combat social, capable de pousser ses troupes à vandaliser Nicopolis, l’une des plus importante­s zones industriel­les du territoire ? Pendant près d’une heure, les juges du tribunal de Draguignan ont tenté de déterminer le rôle précis de cette fonctionna­ire, en cette nuit incendiair­e de juin 2019.

« J’étais présente, mais je suis une pacifiste »

Sur la ZAC de Brignoles, un poste de télécommun­ication d’orange avait été ravagé par les flammes lors d’un barrage, privant 600 abonnés d’internet et de mobile. Au final, une sacrée pagaille au sein des grandes entreprise­s. Et la colère des élus. « On vous présente comme une donneuse d’ordres, une militante d’actions dures » attaque le président, Jean-louis Galopin. Le juge cite longuement les nombreux témoignage­s à charge venant de manifestan­ts présents sur les barrages. Certains

reprochent à Rachel d’avoir convié « la bande dure de La Ciotat », une mouvance « black bloc du 13 » dont on soupçonne la participat­ion à divers feux de joie et de palettes. Sous le tir nourri des accusation­s, Rachel oppose un stoïcisme à toute épreuve. « J’étais présente à la manif c’est vrai, mais je suis une pacifiste. Je ne connaissai­s pas ces gens-là. Ils voulaient rester plusieurs jours sur le barrage, je suis partie à 5 h du matin, quand ça se durcissait ».

« Je n’ai rien à me reprocher »

Le président note une enquête minutieuse qui a même fait appel au flair d’une « analyste criminelle ». Téléphone et ordinateur sont passés au crible. La procureure, Débora Collombier, évoque des bandes-vidéo où la fonctionna­ire apparaît habillée de noir, sweat à capuche, foulard sur le visage. « Et alors ? » rétorque Rachel, « Je ne supportais pas l’odeur des pneus brûlés. Je n’ai rien à me reprocher ! ».

Dans ses réquisitio­ns la procureure fait allégeance à la Déclaratio­n des droits de l’homme : « L’article 11, c’est la liberté d’expression et d’exprimer ses opinions, il ne s’agit pas d’un procès politique. Ce que nous jugeons aujourd’hui, ce sont des faits d’entrave, le basculemen­t dans la violence ».

« Une femme qui refuse de faire cramer des pneus »

Convaincue du rôle de Rachel dans l’exaltation de la branche dure des manifestan­ts, elle requiert quatre mois de prison avec sursis. L’avocate de la défense, Me Céline Lorenzon, dénonce une enquête à charge : « Oui, elle a fait partie de la création des gilets jaunes, oui, elle avait ses idées sur le combat social, mais non violentes. Et ses appels à La Ciotat n’étaient motivés que par les liens qu’elle entretenai­t avec son compagnon de l’époque ». Elle fait citer des témoins à la barre. Rachel y est dépeinte comme une « femme de conviction sociale qui refuse de faire cramer des pneus ! ». Le tribunal a finalement suivi les réquisitio­ns du parquet en prononçant une peine de quatre mois avec sursis pour Rachel.

Toutes les indemnisat­ions réclamées par les parties civiles ont en revanche été déboutées.

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