Nice-Matin (Cannes)

L’ÉDITO Fin de la finlandisa­tion

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Vladimir Poutine imaginait-il, le 24 février dernier, en partant à l’assaut de l’ukraine, les conséquenc­es trois mois plus tard de cette tentative d’envahissem­ent ? Nul doute qu’il avait alors la certitude de vaincre. Fort d’une armée considérée comme la deuxième du monde, il pariait sur une guerre éclair et la tétanie du monde occidental. L’union européenne, sans armée et divisée sur de nombreux sujets, semblait incapable d’organiser une riposte. Quant à l’otan, Emmanuel Macron l’avait tout simplement déclarée en novembre 2021 « en état de mort cérébrale » .Au passage, il avait décrété que L’UE, « oubliant qu’elle était une communauté », était « au bord du précipice ». Quoi de plus rassurant, au fond, pour le maître du Kremlin, que ces propos inquiets au moment de passer à l’acte pour retrouver le monde d’avant, l’époque de L’URSS quand Moscou avait sous sa botte un glacis de pays satellites et effrayait des voisins immédiats (Suède et Finlande notamment), qui préféraien­t la neutralité à toute soumission à l’un des deux grands camps de la guerre froide.

À l’aune de ce projet de retour à un passé proche dont il a la nostalgie, Vladimir Poutine ne peut aujourd’hui que constater la radicalité de son échec. Certes, il a changé le monde européen en y réinstalla­nt une guerre qui risque d’être longue, mais tous ses objectifs se brouillent. La guerre éclair qu’il souhaitait s’est heurtée à la résistance acharnée d’une armée ukrainienn­e alimentée en armes sophistiqu­ées par les Occidentau­x. Une authentiqu­e nation ukrainienn­e est née dans ce combat à la vie à la mort. L’union européenne a retrouvé son unité pour imposer des sanctions de plus en plus dures à la Russie. Les États-unis, qu’il croyait accaparés par leur bras de fer avec la Chine, ont repris le chemin du théâtre européen. Enfin, et surtout, l’otan a montré que non seulement elle n’était pas décervelée, mais que sa capacité d’attraction était plus forte que jamais. Ainsi Vladimir Poutine a-til fait sauter un concept né en 1953, qui traduisait la crainte qu’inspirait alors le Kremlin : la finlandisa­tion. Pour s’attirer les bonnes grâces de l’empire soviétique, Finlande et Suède avaient choisi la neutralité, à la fois pour préserver leur souveraine­té nationale, ne pas défier leur puissant voisin, et se mettre à l’abri de tout conflit entre Moscou et Washington. Inquiets devant le comporteme­nt actuel de l’ours russe, ces deux pays viennent de demander leur entrée rapide dans l’otan. Et donc de retourner une situation historique vieille de 69 ans. Évidemment, Vladimir Poutine a menacé, promettant de prendre des mesures si cette entrée dans l’alliance atlantique conduisait à un déploiemen­t de forces à ses frontières. Pour autant, il n’a pas surréagi. Peut-être est-il en train de mesurer que la situation qu’il a créée se retourne contre lui. Avec le risque qu’il choisisse le pire.

« La situation qu’il a créée se retourne contre lui. »

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