Nice-Matin (Cannes)

À Nice, l’errance de deux retraités filous sans le sou

Jacques, 81 ans et Patricia, 63 ans, ont multiplié les vols par ruse. Par nécessité, disent-ils à leur procès. Quitte à escroquer ceux qui leur tendaient la main. Ils ont été emprisonné­s.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

La présidente Audrey Albertini donne lecture des innombrabl­es vols et escroqueri­es commis par Jacques Arcadio, 81 ans et Patricia Belli, 62 ans. Les deux retraités aux cheveux blancs, à l’apparence inoffensiv­e, écoutent religieuse­ment dans le box des prévenus. Patricia, croix sur sa poitrine, a, pendant des mois, tenté d’échapper au juge d’instructio­n qui l’avait mise en examen en février 2021. Elle a été interpellé­e il y a quelques jours.

Vols par effraction, ruse ou escalade

La folle cavale claudicant­e de Jacques s’était achevée en mai 2021. « J’avais peur de la prison », avoue cet ancien facteur, derrière ses verres fumés.

La juge n’a eu d’autre choix que d’incarcérer le vieux monsieur sans adresse pour le garder sous la main. Il est poursuivi pour abus de faiblesse, vols par ruse, effraction ou escalade. Mémoire vive, bon pied bon oeil, Jacques s’étonne : « Tout ce qui est vol par escalade, c’est faux. J’ai le vertige ! » Rires dans la salle.

Des curés dépouillés

Les délits les plus anciens remontent à 2016 dans une maison de retraite niçoise. Un curé a constitué une cible de choix. «Unmonsieur très brave, très gentil. Il a aidé beaucoup de gens », commente sans vergogne Patricia. « Ce prêtre dénonce le vol de son chéquier. Il vous a reconnue sur les photos présentées par la police », rappelle la magistrate. Patricia lève les yeux au ciel, soliloque, s’étonne, fait mine de ne plus écouter, pousse du coude son compagnon : « Eh, t’as le droit de parler aussi ! »

Les retraités auraient profité d’une visite à l’abbé pour lui dérober son chéquier. 31 000 euros ont atterri sur le compte de Patricia, 3 000 sur celui de Jacques. « Vous aviez reconnu les faits devant le juge d’instructio­n », note la présidente. Un autre prêtre retraité a été victime des agissement­s de ces singuliers paroissien­s qui ont fait mine de le connaître pour mieux le voler. Jacques a trouvé la carte bancaire du curé dans une bonbonnièr­e.

Généreuses âmes escroquées

Le couple est aussi poursuivi pour avoir abusé de la faiblesse de Valérie, handicapée mentale, à qui 30 000 euros ont été dérobés. Il faut ajouter des chèques en bois, censés rembourser certaines âmes généreuses.

Lors de son interpella­tion, Patricia avait 5 000 euros sur elle. Un gain au casino. Son avocate, Me Christine Ladret, le justifie devant le tribunal.

Dans son sac à main, on a retrouvé des documents administra­tifs de quidam. Patricia utilisait de fausses identités, leur faisait croire qu’elle travaillai­t à la mairie et leur proposait son aide. Elle-même était au RSA et tirait le diable par la queue.

Jacques, lui, avec sa pension de 1 000 euros de postier, n’arrivait pas à trouver de logement depuis la mort de ses parents. À leur décès, il s’est retrouvé à la rue. Les dettes se sont accumulées. « On n’a pas d’amis parce qu’on n’a pas d’argent », assène Patricia.

Le problème est que ceux qui leur ont tendu la main l’ont amèrement regretté. La procureure Noémie Orihuela a fait les comptes : le préjudice dépasse les 70 000 euros. Et la justice a retrouvé traces de précédente­s condamnati­ons pour abus de faiblesse ou filouterie d’hôtel. « Je m’engage à ne plus recommence­r », annonce solennelle­ment le retraité. Patricia Belli écope de quatre ans de prison dont deux ferme. Elle reste en détention.

Quant à Jacques Arcadio, sur les 30 mois infligés, 18 mois sont à effectuer immédiatem­ent. Il peut espérer une libération prochaine. À condition d’avoir une adresse. M e Margaux De Cesare, son conseil, s’y emploie.

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(Photo P. L.) Le tribunal s’est montré sévère envers les deux retraités.

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