Nice-Matin (Cannes)

SOS Amitié : « Les gens n’ont pas fini d’être inquiets »

Huguette Le Bec, référente de la structure d’écoute dans les Alpes-maritimes, évoque le quotidien des bénévoles au bout du fil. Covid, guerre en Ukraine, élections : des sujets préoccupan­ts…

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Une bande-son qui dit la douleur. Jamais, chez « SOS Amitié », la sonnerie ne se tait. Encore moins en ces temps troubles où une crise n’en chasse plus une autre. Mais s’y greffe. « Les gens n’ont toujours pas fini d’être inquiets », résume Huguette Le Bec, référente dans les Alpes-maritimes pour la structure. Si la pandémie a clairement impacté «les plus fragiles », la guerre en Ukraine n’a rien arrangé. Bien au contraire. Les appels au poste de l’associatio­n ne font qu’augmenter. La détresse gagne du terrain. « On nous demande ce qu’il va se passer si la guerre s’étend jusqu’en France, si l’arme nucléaire est utilisée… On a affaire à des personnes qui passent beaucoup de temps devant les chaînes d’informatio­n. » Un circuit fermé au sein duquel l’esprit peut courir à l’infini…

Vingt-deux écoutants dans le départemen­t

Alors, que dire pour calmer ces angoisses géopolitiq­ues ? « Évidemment, on ne rentre pas dans les faits historique­s. On leur dit que les guerres ont toujours existé, que malgré cela, les gens ont continué à vivre. Et que, guerre ou non, nous vivons toujours malheureus­ement avec une épée de Damoclès sur la tête. L’idée, c’est surtout de les replacer dans une réalité qu’ils ne perçoivent plus. »

Sauf qu’ouvrir les yeux, ça peut être violent. Au bout du fil, les vingt-deux écoutants bénévoles des Alpesmarit­imes – parmi les 1 700 de l’hexagone – sont formés à cela. « Notre attitude s’adapte à la personne. Chez nous, il n’y a pas de réponse toute faite. On essaye de rassurer l’autre sans donner de solutions ou de mode d’emploi. Tout est anonyme, on se fie au discours de l’appelant, on ne le laisse que lorsque l’on sent que ça va mieux. » Une écoute bienveilla­nte, gratuite, dénuée de tout jugement. Voilà ce que viennent chercher les personnes qui composent le numéro de la ligne, ouverte 7j/7 et 24h/24 : « C’est l’incertitud­e qui est au coeur de tout. » Et c’est donc en toute logique que les élections n’aident pas à apaiser ce climat : « Les changement­s de gouverneme­nt apportent toujours leur lot d’inquiétude­s chez certains. D’autant plus dans cette période… »

« L’instabilit­é du monde actuel »

Le public qui entre de plus en plus en contact avec l’équipe ? « Les moins de 25 ans. Ils représente­nt 17 % de nos interlocut­eurs. Il y a quelques années, cela tournait autour des 10 %. » Dans son observatoi­re des souffrance­s psychiques, le service d’aide note une forte présence des jeunes au bout du fil « depuis la pandémie ». Avec, en sujet prédominan­t : le suicide. « On ne prend jamais de tels appels à la légère. Aujourd’hui, la jeune génération découvre que, du jour au lendemain, ses certitudes peuvent être balayées. Ce n’est pas anodin. »

Intéressan­t également, les thématique­s reléguées en bas du classement. «Les jeunes nous parlent davantage de santé psychique que d’addiction ou de sexualité. Il y a dix ans, ces sujets étaient beaucoup plus présents dans nos échanges. Tout comme les peines de coeur. » Ce qui a changé ? « L’instabilit­é de notre monde actuel. » Quels adultes deviendron­t-ils ? «Je ne sais pas », reconnaît la responsabl­e qui rassure : « Il reste bien évidemment des parents structurés. Le plus important, c’est de répondre présent pour entendre ce qu’ils ont à nous dire. Il y a des souffrance­s qu’on n’imagine même pas. »

Alors en réponse, il y a surtout de la compréhens­ion : « On ne promet pas que tout sera bien, tout sera beau. Il faut apprendre à faire avec, et apprécier les petites choses simples de la vie afin de retrouver stabilité et calme. » L’entité ne peut décrocher le combiné à chaque sollicitat­ion : « On assure 800 000 appels par an, mais cela ne représente qu’un quart des demandes. »

Les oreilles manquent : « Nous avons quatre personnes en formation en ce moment. Nous espérons en ouvrir une autre avant la fin de l’année. » Afin que les douleurs résonnent davantage.

■ Pour joindre SOS Amitié : 04.93.26.26.26.

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(Photo d’illustrati­on M. D.) Les vingt-deux écoutants bénévoles des Alpes-maritimes – parmi les 1 700 de l’hexagone – sont formés à répondre aux appels des personnes en souffrance.

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