Nice-Matin (Cannes)

Sur le sentier de la guerre

- de LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr

Cette confession intime va sans doute glacer une partie de nos lecteurs. Je suis né à un jet de pierre du stade Vélodrome. De cette enfance marseillai­se, je garde le souvenir de voisins tout à fait charmants qui se métamorpho­saient en soldats belliqueux en fin de semaine. Ils allaient au match comme d’autres vont à la guerre, vociférant des chants haineux, conspuant dans la bière les supporters de l’équipe adverse. L’aspect festif de ce rituel m’échappait. Bien au contraire, les visages peinturlur­és en bleu et blanc de ces Sioux phocéens m’effrayaien­t – c’est sans doute pour cela que je n’ai jamais pu voir le foot en peinture. Plus tard, lorsque j’ai découvert le film de Jean-pierre Mocky, A mort l’arbitre, j’ai d’abord cru visionner un documentai­re. Ce qui m’agaçait le plus, les lendemains de défaite, c’était la mauvaise foi inébranlab­le de mes petits camarades dans la cour de l’école. Si L’OM avait perdu, ce n’était jamais la faute des joueurs.

L’arbitre était forcément aveugle ou vendu ; le mistral avait détourné la frappe cadrée de notre ailier droit ; l’éclat du soleil avait tapé dans l’oeil de notre ailier gauche. Ce parfum d’enfance a de nouveau chatouillé mes narines, des années plus tard, lorsque j’ai côtoyé les politiques en campagne.

Sitôt qu’une élection pointe le bout de son urne, ces gens éduqués, cultivés et intelligen­ts cèdent aux pires délires paranoïaqu­es.

Si le sort leur est contraire, ce n’est évidemment pas leur faute mais celle des journalist­es qui sont – au

« Sitôt qu’une élection pointe le bout de son urne, ces gens éduqués, cultivés et intelligen­ts cèdent aux pires délires paranoïaqu­es. »

choix – soumis à leurs ennemis, incompéten­ts ou manipulés.

Cette fois encore, à l’heure où approchent les législativ­es, nos portables crépitent. Les mails de reproches colonisent nos écrans. Ceux de gauche nous accusent de rouler pour la droite ; ceux de droite dénoncent notre complaisan­ce pour la gauche. Jamais en panne de démagogie. Osera-t-on écrire que nous avons, sous notre soleil méditerran­éen, quelques champions du monde de la discipline ? Qu’ils sachent que nous ne sommes pas dupes de leurs colères de théâtre. Et que nous continuero­ns à exercer notre métier sans rien abdiquer de notre indépendan­ce. Convaincus que si les commentair­es sont libres, les faits sont sacrés – et n’ont pas de couleur partisane.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France