Nice-Matin (Cannes)

L’ehpad « hors les murs » pour vieillir à domicile

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Bernard Vaillot habite à Paris. Souvent, il descend dans le Sud voir sa mère, âgée de 95 ans. « Il y a quelques années, je me suis retrouvé à devoir gérer une situation en catastroph­e, explique ce Parisien. Ma mère avait dû être hospitalis­ée pour un problème à la vésicule biliaire, et mon père ne pouvait pas rester seul à leur domicile », se souvient-il. Lui qui vit à 900 kilomètres de ses parents décide alors d’avoir recours à l’ehpad « hors les murs » qui permet, entre autres, d’activer un hébergemen­t d’urgence. « Non seulement ce dispositif permet une prise en charge rapide de vos parents à domicile, mais en plus, il assure un relais précieux en cas d’accident », ajoute-t-il. Aujourd’hui, sa mère vit toujours à domicile. « L’ehpad “hors les murs” offre un réel confort psychologi­que. C’est très précieux. »

Dispositif nocturne

L’ehpad « hors les murs » est une assistance offerte à des personnes en très grande dépendance, uniquement la nuit, moment où les bénéficiai­res sont particuliè­rement vulnérable­s puisque seuls. Un système d’alarme installé à domicile leur permet de joindre une infirmière de garde au plus vite.

« On est parti d’une page blanche », raconte Camille Realini, le directeur de l’ehpad « Les Aquarelles », à Mouans-sartoux, qui propose ce service depuis 2018. Il y a 4 ans, sa structure remporte un appel à projet de l’agence régionale de santé (ARS). Cinq structures ont ainsi été retenues en Paca, dont une dans les Alpes-maritimes

et deux dans le Var. L’expériment­ation, lancée pour trois ans, est désormais pérennisée aux « Aquarelles ».

La somme allouée a permis d’engager le personnel nécessaire à la prise en soins des personnes âgées : deux infirmière­s de nuit, un psychomotr­icien et un ergothérap­eute, « mais finance aussi du temps en plus pour l’infirmière et le médecin coordinate­urs », précise Camille Realini.

Les dépenses sont plafonnées à 10 000 euros par personne. Le coût de l’ehpad « hors les murs » est entièremen­t pris en charge par L’ARS, et gratuit pour le bénéficiai­re.

Angoisses et chutes

Le jour, les familles prennent leurs dispositio­ns ; l’ehpad « hors les murs » prend le relais la nuit. C’est l’infirmière de nuit des « Aquarelles » qui reçoit les appels et se déplace en cas d’alerte. Les bénéficiai­res doivent habiter à maximum 20 minutes de l’ehpad.

« On est appelé pour des chutes, des angoisses nocturnes, des problèmes de matériel », précise Sandrine Marciniak. Les infirmière­s appellent les bénéficiai­res une fois par mois, pour prendre simplement de leurs nouvelles.

Éviter les hospitalis­ations

« L’idée c’est d’éviter que les patients se retrouvent à l’hôpital de nuit, avec tout l’inconfort que cela génère pour la personne âgée », commente Camille Realini. Quelque 90 % des interventi­ons nocturnes de l’ehpad « hors les murs » ont permis d’éviter une hospitalis­ation. « Partir à l’hôpital pour une personne âgée, c’est synonyme de mort» , poursuit Sandrine Marciniak. L’infirmière a pu constater que les personnes âgées, éloignées de leur domicile pendant un certain temps, privées de leurs repères, régressent.

« Il faut savoir se mettre à leur place », assure cette soignante qui a exercé dix ans en libéral. « Avec le maintien à domicile, j’ai l’impression de respecter leur volonté », sourit-elle.

« Temps libéré » pour l’aidant

Quand son mari a eu la maladie « à corps de Léwy », une maladie neurodégén­érative qui entraîne des troubles cognitifs et moteurs, Claudine Maitrehenr­y s’est retrouvée démunie.

« J’ai cherché à beaucoup stimuler mon mari. Quand j’ai appris qu’il y avait cette option de pouvoir le prendre en charge à la maison, j’étais très contente, c’était important qu’il reste dans un cadre familier. » Les proches aidants ont une place centrale dans le dispositif. « Avec 30 000 aidants supplément­aires chaque année, notre région est particuliè­rement concernée par le phénomène, écrit L’ARS. D’autant que dans 57 % des cas, l’aidant principal est âgé entre 60 et 79 ans. »

Claudine Maitrehenr­y a pu profiter de l’option « temps libéré », mise en place début 2021 afin de permettre à l’aidant de souffler. « Au début j’avais deux heures par semaine, puis quatre. Des personnes prenaient le relais pour s’occuper de mon mari, faire des activités avec lui. » La communicat­ion reste un défi majeur pour la prise en charge des personnes âgées. Alors, pour que les soignants qui s’occupent du bénéficiai­re le jour puissent travailler plus étroitemen­t avec ceux présents la nuit, des tablettes tactiles ont été mises à dispositio­n pour centralise­r les informatio­ns du patient.

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(Photos Flora Zanichelli) Camille Realini est le directeur de l’ehpad « Les Aquarelles » qui a lancé, en 2018, l’ehpad « hors les murs ».
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Sandrine Marciniak est infirmière de nuit.

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