La semaine vagabonde de Denis Carreaux
Lundi
Le pas de côté de Castex. Sur le perron de Matignon, où il accueille Élisabeth Borne, Jean Castex refuse de rendre le micro, laisse chanter son accent et parler son coeur. Avant de passer les clés, le Premier ministre remercie les Français. Et demande à celle qui s’apprête à lui succéder d’en prendre soin comme d’un bien précieux. Attention, conseille-t-il, de ne pas prêter attention uniquement à ceux qui parlent fort. Mais d’écouter plutôt « ceux qu’on n’entend pas, ceux qui ne s’épanchent pas sur les réseaux
sociaux ». Un peu à leur image, Jean Castex se fera discret dans les prochains mois. Dès ce soir, il fera
«unpasdecôté» en quittant la vie politique nationale dans laquelle il admet être « entré un peu par effraction » un jour de juillet 2020. Un départ réussi, sans regrets ni amertume.
Mardi
L’invité surprise. Réalité ou fiction ? Entre coups de coeur, scandales et polémiques futiles, le Festival de Cannes navigue joyeusement entre les deux. En ce soir d’ouverture, le premier rendez-vous culturel mondial confirme en tout cas sa capacité à créer l’événement. Alors que les festivaliers, à peine remis de leur ascension du tapis rouge, commencent à tomber sous le charme de Virginie Efira, éblouissante, l’apparition de Volodymyr Zelensky fige la salle Louis-lumière. Formules qui claquent et références bien senties à l’histoire du 7e art, le comédien devenu président de l’ukraine ramène en un rien de temps ce petit monde en smokings et robes longues à la brutalité de la guerre. Un moment d’une intensité rare. David Lisnard, le maire de Cannes, a raison quand il explique que le Festival n’est et ne sera jamais normal.
C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’aime.
Mercredi
Si fiers d’ être candidats. il y a les souriants et les crispés. Les ravis de la crèche et les timides. Les mal fagotés, les femmes en petite robe légère, les habitués en jean de tous les jours et les petits nouveaux qui ont sorti leur plus beau costume.
Les sérieux, les sûrs d’eux, les tombés du nid. Ceux qui posent seuls et ceux, nettement moins nombreux, qui exhibent leur suppléant.
Depuis quelques jours, des milliers de candidats aux législatives partagent sur les réseaux sociaux l’image de leur passage en préfecture au moment de déposer leur liste.
Tous ont en commun la fierté de se présenter devant les électeurs.
Pour certains, ce moment solennel restera une simple formalité, à peine un souvenir. Pour d’autres, il marquera le début d’une nouvelle vie.
Jeudi
L’opportuniste. « Damien Abad est en train de négocier. S’il obtient un beau ministère, il partira. Si ce n’est pas assez, il restera ». L’analyse que nous livrait récemment un cadre de LR se vérifie. Moins de 24 h avant la formation du gouvernement, le patron des députés de droite à l’assemblée explique dans Le Figaro tout le dégoût que lui inspire soudain son parti. Opposant numéro un à Emmanuel Macron dans l’hémicycle pendant deux ans et demi, le député de l’ain rejoint donc l’écurie présidentielle sur laquelle il tapait du matin au soir. L’intéressé nie tout marchandage. Vous n’y pensez pas ! Non, il s’est simplement réveillé un matin avec une envie pressante de « faire bouger les lignes ».
Une révélation ! Bien sûr, s’il est appelé au gouvernement, ce sera uniquement pour sa compétence et son talent. Si on veut dégoûter définitivement les Français de la politique, continuons comme ça.
Vendredi
Les opportunistes. Depuis des jours, ils attendaient que leur téléphone daigne vibrer. Qu’on leur dise enfin :
«tuenes» . Et rien n’est venu. Déçus ou dépités, beaucoup de ces ministres et secrétaires d’état sortants (et sortis) ont tellement espéré qu’ils n’ont pas eu le temps de penser à la suite. D’autres ont été plus avisés. Si Adrien Taquet et Cédric O. ont décidé eux-mêmes d’arrêter la politique, ils ont eu la décence d’attendre d’avoir quitté leur ministère pour dérouler leur plan de carrière. Pas Jeanbaptiste Djebbari. Avant la fin de sa mission, le ministre des Transports annonce fièrement sa nomination comme administrateur d’hopium, une start-up spécialisée dans les voitures de luxe à hydrogène. Une reconversion aux petits oignons pour cet ancien pilote de ligne qui s’était posé en touriste à Limoges en 2017 pour décrocher sa place à l’assemblée avant de disparaître. Marlène Schiappa, débarquée elle aussi, ne devrait pas non plus pointer à Pôle Emploi. Selon Le Figaro, elle pourrait rejoindre dès la rentrée la chaîne C8 pour animer une émission de télé. Son passage très remarqué chez Cyril Hanouna au moment de la crise des « gilets jaunes » n’aura pas été totalement inutile...
Samedi
La relève. Cérémonie de remise de diplômes de l’école du journalisme de Nice, après deux années blanches pour cause de crise sanitaire. Ces étudiants qui basculeront bientôt dans la vie active vont pouvoir enfin goûter à l’atmosphère des salles de rédaction et du travail en équipe. Eux qui sont devenus, par la force des choses, des orfèvres de la visio et des réunions Zoom, ont souvent été privés de cours en « présentiel ». Cet aprèsmidi, certains de leurs profs, qui n’ont jamais échangé avec eux autrement que par écrans interposés, découvrent d’ailleurs leur visage. Drôle d’époque ! Diplôme en poche, ces futurs journalistes s’apprêtent à exercer le plus beau métier du monde. Une profession bousculée et contestée, mais dont l’importance n’a peut-être jamais été aussi grande. Expliquer, décrypter, raconter, vibrer et faire vibrer : quoi de plus noble dans un monde saturé d’infos, de fausses nouvelles et de thèses complotistes ? Allez, au boulot, la relève !
« David Lisnard a raison quand il explique que le Festival n’est et ne sera jamais normal. »