Nice-Matin (Cannes)

Questions pour le champion de la gauche

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Y croit-il vraiment ? Ou fait-il semblant d’y croire ? De jour en jour, Jean-luc Mélenchon se fixe à lui-même un destin historique. Et de fait, la façon dont il a raflé, dans la Nupes, le Parti socialiste, le PC et les Verts relève d’une sorte de génie politique. À moins qu’il ne s’agisse d’une manipulati­on magistrale. Le leader de la France insoumise n’est-il qu’une constructi­on des médias ? Ou bien l’expression d’une gauche qui, divisée, fracturée et sans boussole, s’est unie autour de lui pour sauver les meubles aux élections législativ­es ?

Qu’il me soit simplement possible de lui poser quelques questions, sans véritable espoir de réponse. Sur Emmanuel Macron, d’abord : le large score obtenu par le président de la République au premier et au second tour de la présidenti­elle a plutôt surpris ses propres troupes, qui n’en espéraient pas tant. En quoi donc, sur quoi, Mélenchon peut-il échafauder son offensive de « Président sans mandat » ? S’il n’en a pas, qui d’autre en a ? Celui qui est arrivé en numéro 3 dans la course présidenti­elle ?

Au nom de quoi, lui, en aurait-il un ? Deuxième interrogat­ion : suffit-il qu’il le répète à l’excès pour qu’il puisse prétendre au titre de Premier ministre le mois prochain ? Il lui faudrait, rappelons-le, disposer d’une majorité des voix à l’assemblée nationale. Que l’accord conclu permette à la gauche d’espérer plus de 100 sièges dans le futur Parlement, c’est à peu près certain.

Mais on est encore loin d’une majorité. Faire croire aux Français que son poste de Premier ministre est presque acquis aujourd’hui, n’est-ce pas une duperie ? Question sur son programme ensuite, dont on a peine à suivre l’évolution. Celui de La France insoumise passait, entre autres, par le blocage des prix des produits de première nécessité, la retraite à 60 ans, le Smic à 1 400 euros par mois, l’opposition au nucléaire, et la désobéissa­nce possible aux

« Peut-on, pour conclure un accord, pousser sous le tapis ce qui le rend impossible ? »

traités qui structuren­t l’europe. Si bizarremen­t, après la création de la Nupes, le Smic promis se retrouve à 1 500 euros, beaucoup des propositio­ns de La France insoumise sur l’europe, l’otan, le nucléaire, les nationalis­ations, ce n’est pas rien, restent dans le flou. Sans oublier la laïcité et la politique migratoire. Peut-on, pour conclure un accord, pousser sous le tapis ce qui le rend impossible ?

Enfin, comment Jean-luc Mélenchon compte-t-il diriger son petit monde ? Le moins qu’on puisse dire est que, dans son propre parti, il ne supporte guère la contradict­ion. Ceux qui ne sont pas d’accord se voient depuis des années désigner la porte. Mais quid du Parti socialiste, où, au contraire, la moindre divergence est reconnue, affichée, et défendue, sous prétexte de démocratie interne ? Mélenchon y introduira-t-il son autorité papale ?

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