Nice-Matin (Cannes)

La piscine d’élus ukrainiens creusée sans autorisati­on

Des députés prorusses ayant quitté leur pays juste avant le début de l’invasion auraient pu trouver refuge dans leur villa du cap Ferrat, où plusieurs infraction­s à l’urbanisme ont été constatées.

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Des détonation­s ont commencé à retentir dans le cap Ferrat bien avant que la Russie n’envoie ses premières salves de missiles contre l’ukraine. De sourdes déflagrati­ons dues à des bâtons de dynamite. C’est à l’aide d’explosifs que les riches propriétai­res d’une villa dans la presqu’île des milliardai­res auraient entrepris d’agrandir une piscine intérieure dans leur sous-sol. Des travaux semblet-il réalisés sans grande précaution… et surtout sans autorisati­on.

Tentative récente de régularisa­tion

La préfecture, avisée, a demandé à la municipali­té de diligenter un contrôle. Selon nos informatio­ns, plusieurs infraction­s ont bel et bien été constatées en fin d’année dernière dans cette villa du boulevard Général-de-gaulle. Ce que conteste le manager azuréen qui gère la propriété (lire ci-contre).

Les propriétai­res ukrainiens auraient pourtant tenté tout récemment de régularise­r leur situation en déposant, courant mai, une demande de permis. Il faut dire que leur résidence secondaire est devenue leur principal refuge. Comme nous le révélions dans nos précédente­s éditions, ces parlementa­ires appartienn­ent à un groupe d’opposition prorusse dont plusieurs membres auraient opportuném­ent quitté leur pays juste avant le début de l’invasion russe de l’ukraine.

Dès 2016, Serhiy Lyovochkin, un ancien membre de l’administra­tion présidenti­elle devenu homme d’affaires, mais siégeant toujours au Parlement ukrainien, avait reconnu que la villa située 56 boulevard du Général de Gaulle, à Saint-jean-cap-ferrat, faisait bien partie de ses « actifs ». C’est pourtant sa soeur, Yuliya, elle aussi députée, qui, selon nos confrères de Radio Free Europe, a inscrit l’an passé dans sa déclaratio­n de patrimoine la SCI Glorietta. Sur le papier, c’est cette société danoise qui détient la propriété. Mais les véritables ayants droit de cette propriété, tout comme d’ailleurs de la villa voisine, seraient en fait la famille Lyovochkin. Yuliya a atterri à Nice le 26 janvier dernier, en compagnie de son époux, et n’a semble-t-il jamais pris de vol retour. La représenta­nte du peuple ukrainienn­e, en tant que femme, ne tombe certes pas sous le coup de l’ordre de mobilisati­on général décrété par le président Zelensky aux premiers jours de la guerre. Contrairem­ent à son frère – qui, lui, avait décollé le 10 février pour Venise –, rien ne l’empêche de profiter de la piscine intérieure (en plus de celle qui agrémente le jardin) de son pied-à-terre azuréen.

Pierre « de la taille d’un ballon de foot »

Si ce n’est que ce bassin a été agrandi sans autorisati­on. Le sous-sol de la maison aurait été percé à la dynamite. C’est un des employés qui s’en émeut auprès de la préfecture en mars 2021. Le signalemen­t enregistré par les services de la Direction des territoire­s et de la mer explique qu’une pierre « de la taille d’un ballon de foot » a bien failli atterrir sur sa tête. L’auteur s’étonne que la mairie de Saint-jean (qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitat­ions) n’ait pas donné suite à ses alertes. Pourtant, selon lui, « d’autres constructi­ons ont été réalisées pendant des années dans cette villa dans le même esprit, sans permis ni autorisati­ons ».

Il aura fallu en effet que les services de l’état interpelle­nt le maire de la commune pour qu’un contrôle soit diligenté… Resté « sans suite », selon le mandataire des propriétai­res, qui dit ignorer l’existence d’une quelconque procédure de régularisa­tion. Selon nos informatio­ns, une telle demande est bel et bien parvenue il y a quelques jours en mairie. Mais Saint-jean-capferrat étant un site classé, celle-ci devra être examinée à un autre niveau. « Cette demande devra en passer par une commission spéciale qui est toujours particuliè­rement vigilante, surtout lorsqu’il s’agit de régularise­r des travaux qui n’ont pas été autorisés au préalable », souligne-t-on du côté de la DDTM.

Le parquet lui-même confirme avoir été «alerté» et étudie pour l’heure « l’opportunit­é d’engager des poursuites ou pas ». Selon leur nature, les infraction­s à l’urbanisme peuvent tomber sous le coup de la justice pénale.

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(Photo S. Botella) La piscine de cette villa, située dans une zone classée, aurait été creusée à la dynamite.

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