Après 30 ans de crimes, le procès du « violeur de la Sambre » s’est ouvert
Dino Scala fait face à ses juges pour un parcours de violeur en série, en partie assumé, entre 1988 et 2018, contre 56 victimes. Le procès s’est ouvert hier devant les assises du Nord.
Crâne rasé, en chemise rayée et pull gris, l’accusé, 61 ans, s’est présenté devant la Cour d’assises l’air grave, face à quelques dizaines de partie civiles. Il comparaît jusqu’au 1er juillet pour 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d’agression sexuelle. La première journée de son procès doit être consacrée à l’exposé des faits et à sa personnalité.
« Nous allons demander à cet homme, vraiment, la sincérité », a déclaré avant l’audience Me Emmanuel Riglaire, avocat de deux parties civiles.
Le terrain de chasse imputé au « violeur de la Sambre » s’étend sur un rayon de moins de 30 km autour de cette rivière, qui traverse la frontière franco-belge.
Cet ancien ouvrier et entraîneur de clubs locaux de football a reconnu « la grande majorité des faits », souligne son avocate, Me Margaux Mathieu. Il a fait «des aveux spontanés dès le début de sa garde à vue » et se trouve toujours « dans cette même volonté d’expliquer », assure-t-elle.
Quelques minutes avant l’audience, Mélanie, agressée à 14 ans en 1997, s’est dit à la fois « stressée » et « impatiente », même si elle n’espère pas « la vérité ». Mais elle compte sur ce procès pour se «reconstruire après ».
Enquête tentaculaire
L’enquête, tentaculaire, débute en novembre 1996 avec la plainte d’une femme de 28 ans, violée le long d’une voie rapide à Maubeuge. Un homme est sorti de l’ombre, lui a demandé s’il lui « avait fait peur », avant de l’entraîner dans un taillis. Son sperme sera trouvé dans l’herbe.
Très vite, d’autres agressions suivent. Les victimes sont presque systématiquement agressées à l’aube, en hiver, généralement sur la voie publique. Le mode opératoire est similaire : l’homme les saisit par derrière, les étrangle avec l’avant-bras ou un lien, pour les traîner à l’écart.
Il les menace, souvent à l’aide d’un couteau, peut leur attacher mains et pieds ou leur bander les yeux. Plusieurs diront avoir «vulamort». Pendant des années, la police multiplie les investigations, compare les ADN, quadrille la zone, sans succès. Un premier non-lieu est prononcé en 2003. L’affaire rebondit en 2006 après une série d’agressions en Belgique. D’autres plaintes plus anciennes sont alors rapprochées du dossier. Mais le coupable demeure introuvable.
« On avait un signalement banal »
Type européen, brun, taille moyenne : « On avait un signalement banal, une voiture banale », et surtout « un ADN qui ne matchait pas », l’individu n’étant pas connu des services, se souvient Romuald Muller, directeur zonal de la police judiciaire de Lille.
La traque tourne en rond. Jusqu’à l’agression d’une adolescente en février 2018 à Erquelinnes (Belgique). Une Peugeot 206 est filmée par la vidéosurveillance. Le conducteur, Dino Scala, père de cinq enfants, sera arrêté quelques semaines plus tard à Pont-sur-sambre, à la stupeur de son entourage qui le décrit largement comme « gentil ».
« Instinct chasseur »
Couteau, cordelettes, gants sont retrouvés lors des perquisitions. Son ADN est présent sur plusieurs scènes de crime. En garde à vue, il avouera une quarantaine d’agressions, invoquant des « pulsions » incontrôlables.
Il en conteste toutefois « une quinzaine », « formellement et de manière constante », selon son avocate. L’enquête dessine le profil d’un « prédateur » àlavie « organisée autour » de ces crimes.
« Je tournais, (...) j’observais où les femmes passaient ». « J’aime être furtif, me dissimuler », avouera-t-il pendant l’instruction. Hier, à la barre, il a invoqué un « instinct chasseur, prédateur ».