Nice-Matin (Cannes)

Que dit la loi ?

- STÉPHANIE WIÉLÉ swiele@nicematin.fr

Pour son huitième anniversai­re, Éva voulait un gâteau en forme de licorne, des bonbons acidulés et des boissons pétillante­s. Il y a quelques jours, la petite fille – originaire de Saint-martin-vésubie – a pu célébrer cet événement en famille. Entre deux matinées de soins et dans l’une des salles de l’hôpital La Timone de Marseille. « Nous voulions qu’elle fête son anniversai­re comme n’importe quelle petite fille de son âge », explique son père, Jonathan Lorenzo.

Car il y a neuf mois, l’insoucianc­e et la légèreté de l’enfance lui ont été volées. Brutalemen­t. Après de multiples malaises, les médecins lui diagnostiq­uent en septembre dernier une cardiomyop­athie dilatée en phase terminale.

Cette maladie du muscle cardiaque empêche le coeur de fonctionne­r normalemen­t, et donc de pomper le sang efficaceme­nt pour le faire circuler dans l’ensemble de l’organisme. « En quinze jours, nous sommes passés d’une enfant pleine de vie et en parfaite santé à une enfant très malade avec un pronostic vital engagé. Ça a été très violent pour nous et notre fille. »

Le coeur d’éva est en fin de vie, et la greffe d’un nouvel organe reste le seul espoir. « C’est terrible comme situation, car sauver ma fille veut dire qu’il faut attendre la mort d’un enfant », confie le jeune père.

Dans le cas d’une greffe cardiaque pédiatriqu­e, l’attente peut être longue. Trop longue (lire ci-contre). « Cela peut prendre plusieurs mois avant d’avoir un donneur. Nous n’avons aucune visibilité sur l’avenir, et l’attente est insoutenab­le », ajoute-t-il.

L’azuréen ne veut pas « d’argent », ni « faire pleurer dans les chaumières », et encore moins faire le « buzz ». Il souhaite simplement partager l’histoire de sa fille afin de sensibilis­er la population au don d’organes. « Comme beaucoup de gens, avant que ma fille soit malade, je ne me sentais pas concerné. Aujourd’hui, je me rends compte à quel point le sujet du don d’organes est important. On ne parle pas de ça en famille, car on n’a pas envie d’envisager la mort. Mais, un jour, la question peut se poser, et il est essentiel de savoir si les gens autour de nous sont donneurs ou pas. »

Et d’ajouter : « Évidemment, on ne souhaite pas la mort de quelqu’un. Mais il est nécessaire de rappeler qu’une personne donneuse peut sauver de nombreuses vies. » Depuis la découverte de la maladie d’eva, la famille a totalement réorganisé son quotidien. La petite fille est hospitalis­ée à plein temps dans le service réanimatio­n de La Timone, hôpital de référence pour la cardiopédi­atrie. Jour et nuit, 24 heures sur 24, ses parents restent auprès d’elle. Ils dorment sur un lit de camp, posé à la hâte, dans un coin de la chambre. Plusieurs fois par semaine, ils prennent la route pour retrouver Enzo et Kelly, le frère et la soeur d’éva, qui vivent désormais à Nice chez leurs grands-parents. « Mais c’est provisoire. Je vends mon entreprise de Saint-martinvésu­bie pour pouvoir déménager près de Marseille. Cet été, nous commencero­ns une nouvelle vie tous ensemble. »

En attendant d’avoir une greffe, Éva vit en permanence avec une grosse machine qui soutient mécaniquem­ent son coeur : le Berlin Heart. Cette assistance la maintient en vie, mais ne lui permet pas de sortir de l’hôpital. Déjà, parce que la machine est très lourde et imposante. Ensuite, parce qu’elle n’a que 40 minutes d’autonomie. Mais il y a aussi les éventuelle­s complicati­ons.

Il peut y avoir des saignement­s ou une baisse de tension qui ne permettent pas à Éva de s’éloigner de l’hôpital », ajoute Jonathan. Il y a un mois, la petite fille a pu faire une entorse au règlement en allant déjeuner en famille au restaurant. Préparée par le personnel de l’hôpital, la surprise a demandé une longue et méticuleus­e organisati­on. Une parenthèse de normalité dans un quotidien rythmé par les soins.

Branchée au Berlin Heart, Éva alterne kiné, changement des pansements, prise des médicament­s... Combative, Éva souhaite tout de même continuer l’école. Tous les jours, de 14 heures à 15 heures, une maîtresse vient lui faire la classe, et elle suit son programme de CE1. « Le reste du temps, elle regarde la télévision et joue sur la tablette, comme toutes les petites filles de son âge. » Malgré les épreuves, la jeune fille n’a rien perdu de son courage. Bien au contraire. « Depuis la découverte de sa maladie, Éva a pris le double de son âge. Elle ne se plaint jamais, et c’est même elle qui nous console. Par sa maturité, elle nous donne une vraie leçon de vie. »

«L’agence de la biomédecin­e explique qu’en France, il n’existe pas de registre du « oui ». La loi prévoit que chaque personne est présumée donneuse, c’est-à-dire donneuse d’organes et de tissus, sauf si cette personne a exprimé de son vivant le refus d’être prélevée. Au moment du décès, l’équipe médicale devra ainsi vérifier, avant d’envisager un prélèvemen­t, que la personne n’est pas inscrite sur le registre national des refus. Mais même si c’est le cas, il sera vérifié auprès des proches que la personne défunte n’a pas faits valoir, de son vivant, une opposition à l’écrit ou à l’oral. Dans le cas d’un donneur mineur, ce sont les parents qui donnent leur consenteme­nt. En fonction de son âge, l’avis de l’enfant émis avant son décès peut également être pris en compte. En France, le don est gratuit et anonyme.

 ?? (DR) ?? Éva, le jour de son huitième anniversai­re.
(DR) Éva, le jour de son huitième anniversai­re.
 ?? (DR) ??
(DR)
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France