« Le prince Albert-1er était un visionnaire »
Dans l’émission Secrets d’histoire, diffusée ce soir à 21 h 10 sur France 3, Stéphane Bern raconte le prince Albert-1er sous toutes ses facettes pour faire connaître le personnage au grand public.
Entre deux tournages, deux rendez-vous, deux émissions, Stéphane Bern trouve toujours un moment quand on le sollicite pour parler de Monaco. Et particulièrement à quelques heures d’un numéro inédit de Secrets d’histoire, consacré ce soir au prince Albert-1er.
L’émission qu’il pilote depuis quinze ans se penche pour la deuxième fois sur la dynastie des Grimaldi et propose sur France 3, à 21 h 10, un portrait fouillé du prince Albert-1er, pour dire qui il était et sûrement le faire connaître au plus grand nombre de téléspectateurs.
Le projet maturé de longue date et tourné l’an dernier s’inscrit dans la commémoration du centenaire de la disparition de l’ancien souverain. Et son arrière-petit-fils, le prince Albert II a donné sa confiance aux équipes de production non seulement pour témoigner dans l’émission. Mais aussi pour ouvrir les portes du Palais princier et du château de Marchais, qui n’accueille jamais de caméras. « Nous avons pu mettre en valeur les décors, l’art de vivre en essayant d’être dignes de la confiance dont nous honore le prince souverain » se réjouit Stéphane Bern qui promet de montrer «des documents exceptionnels » ce soir à l’antenne.
Un Secrets d’histoire consacré au prince Albert-1er, alors que l’on commémore le centenaire de sa disparition, c’était une évidence pour vous ?
C’était important, oui. Dans ces festivités, il fallait marquer le coup. Et ce qui m’a frappé d’emblée, c’est de voir le côté visionnaire de ce prince humaniste. Un scientifique qui croyait dur comme fer au progrès pour faire avancer l’humanité. Un homme qui était un écolo avant l’heure. Et ce qui est encore plus marquant c’est de voir combien son arrière-petit-fils marche sur ses traces. Il y a vraiment une cohérence entre les deux Albert.
L’émission porte le sous-titre de « prince des océans », mais toutes les facettes de l’homme seront fouillées ?
Comme nous avons tourné beaucoup de séquences au Musée océanographique, je trouvais ce titre tout à fait juste. Au-delà c’est un prince qui aidé les arts, qui a soutenu la culture. Il croyait au progrès par la science, par l’étude. C’était un homme formidable.
Un homme de son temps, dont la parole portait aussi auprès des puissants de l’époque…
C’est en effet, un autre point qui m’a toujours intéressé. Si aujourd’hui il y a des rencontres diplomatiques à Monaco, c’est grâce à lui. Au moment des frictions entre la France et l’allemagne, il a usé de sa proximité avec le président français et le kaiser allemand pour essayer d’apaiser les tensions. Il a joué un rôle diplomatique important et audelà. La Société des nations lui doit beaucoup. Il a été aussi le dernier rendez-vous que le président Félix Faure a reçu avant sa mort. Albert 1er était venu défendre la cause du capitaine Dreyfus. On évoque d’ailleurs dans l’émission les lettres qu’il lui écrit. C’est quelque chose que les gens n’imaginent pas.
En effet, si le personnage est bien connu en Principauté, lui consacrer une émission en prime time de deux heures sur France 3, c’est aussi une façon de le faire découvrir au grand public ?
En effet, peu de gens le connaissent. C’est une émission où on va apprendre beaucoup. Je suis sûr que le lendemain de la diffusion, les gens me diront qu’ils ont découvert un prince extraordinaire. Pour autant, je ne sais pas s’il était aussi chaleureux dans son intimité. Ce genre de personnage n’est pas forcément un père très affectueux ou un mari très présent. Mais c’était un véritable esprit éclairé. On lui doit le visage de Monaco d’aujourd’hui. Et cette émission, c’est un bel hommage que l’on pouvait rendre à la Principauté et au rôle qu’elle joue aujourd’hui comme lanceur d’alerte sur le monde des océans. Cette coïncidence entre le passé, le présent et l’avenir est intéressante.
En évoquant Albert-1er dans cette émission, vous faites revivre aussi la princesse Alice, sa seconde épouse, dont on parle moins…
J’y tenais. Je me souviens d’un texte de la princesse de Hanovre qui disait que la première qui a fait de Monaco la capitale des arts, c’était la princesse Alice. Elle était éprise d’art, de littérature, elle était l’amie des artistes, de Pierre Lotti, de Claude Debussy. Elle a fait venir en Principauté l’opéra, les Ballets grâce à la manne financière qu’ont représenté les Jeux et Monte-carlo fondé par le père d’albert-1er, Charles III. Elle a été une sorte de ministre de la Culture et elle a jeté les bases de ce qu’est aujourd’hui Monaco comme pôle culturel. Mais c’est un personnage dont on parle peu, qui pourtant a été égérie de Marcel Proust qui en a fait la princesse de Luxembourg dans la recherche du temps perdu. C’est une femme lettrée, la première américaine princesse de Monaco. Je travaille toujours d’ailleurs à la rédaction de sa biographie. Et le château du Haut-buisson (à Cherré dans la Sarthe ou la princesse Alice recevait ses amis N.D.L.R.) était inscrit en 2021 dans la mission du Patrimoine français.
AEn fin connaisseur de la lignée Grimaldi, qu’avez-vous découvert sur le prince Albert1er en préparant l’émission, que vous ignoreriez ?
‘‘ Une cohérence entre les deux Albert ”
‘‘ L’emission evolue, les fondamentaux sont les mêmes ”
Ce qui m’a vraiment intéressé c’était de lire ses écrits. Je pensais que c’était un prince qui aimait les sciences, qui avait envie de se balader sur les mers. Je n’imaginais pas à quel point il était visionnaire. Dans le discours de Washington (qu’il prononce devant l’académie nationale des Sciences aux Étatsunis en 1921 N.D.L.R.) il avait imaginé l’enjeu du développement durable, de la pêche raisonnée, tout ce qu’on raconte aujourd’hui. Tout est là, j’ai découvert vraiment un visionnaire.
En 2012 vous consacriez un premier Secrets d’histoire aux princes Grimaldi, en 2022 parait celui qui évoque Albert-1er. Vous planchez déjà sur un troisième volet monégasque pour 2032 ?
Avant j’espère (rires). Vous savez, j’ai toujours un tropisme qui fait que je viens à Monaco et je vais travailler dans les prochains temps sur Rainier III, pour le centenaire de sa naissance en 2023.
Cette émission vous l’incarnez maintenant depuis 2007, avec toujours le même entrain ?
Oui, car l’émission évolue. Elle a pris un petit coup de jeune. J’ai moins le côté guindé du costume bleu, c’est un peu plus décontracté. Et puis je rencontre des gens à l’écran car je me plaignais un peu d’être toujours tout seul et de ne jamais voir de vivants. C’est un changement dans la continuité, par petites touches. Les fondamentaux sont les mêmes : de l’histoire passionnante, didactique, accessible au plus grand nombre pour partager notre passion avec les historiens les plus sérieux, pour être irréprochables sur le fond. Ce qui me fait le plus plaisir, d’ailleurs c’est quand les profs d’histoire me disent qu’ils incitent les élèves à les regarder. C’est très gratifiant et c’est vrai que c’est aussi une grande longévité, quinze ans d’émission. Maeterlinck disait : «levraichefd’oeuvre c’est de durer », et j’aime bien m’inscrire dans la durée.